Sense8 revient avec un épisode de Noël orgiaque

Simon Riaux | 23 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 23 décembre 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Pour Noël, Netflix et les Wachowski nous arrivent avec une hotte chargée d’un précieux cadeau. Un épisode spécial de Sense8, d’une durée de deux heures. On vient de le déballer.

Véritable petit miracle que l’on doit aux Wachos, accompagnés par J. Michael Straczynski, le show demeure le plus inclassable, complexe et limpide proposé par les séries contemporaines. Flirtant régulièrement avec un montage expérimental le récit suit organiquement 8 individus répartis aux quatre coins du monde, mystérieusement connectés par un lien psychique qu’ils comprennent encore mal.

Nous retrouvons donc cette troupe américano-mexico-germano-indo-Kenyo-Islando-coréenne, à la fois dans son quotidien troublé que dans la quête de survie qui se dessine, le sinistre Whispers se rapprochant d’eux et notamment de Will.

 

Episode Noel Christmas special

 

Un pansement pour les fêtes

En ces temps troublés et alors que Sense8 nous propose un condensé extrêmement riche de se recette initiale, il paraît évident que la série progressiste, queer et humaniste de Netflix se pense avant tout comme un onguent, un soin appliqué au spectateur. Une sorte de vin chaud euphorisant, qui assume envers et contre tout sa foi en l’humain, sa conviction que l’empathie et l’amour demeurent les seules valeurs méritant que l’on s’y arrête.

Candide bien sûr (le cinéma et les créations des Wacho le sont depuis Matrix), mais certainement pas béni-oui-oui. Envisageant ses personnages comme un seul organisme, une toile dont les segments ne peuvent exister individuellement mais ne brillent que de leur union, Sense8 demeure la proposition très forte établie par sa première saison, appelant sans cesse son public à communier avec le monde qui l’entoure.

 

Episode Noel Christmas special

 

Dans un système de plus en plus replié, dont tous les acteurs semblent s’accommoder des pressions économiques, culturelles, raciales et politiques, une œuvre qui revendique aussi fièrement un horizon meilleur et appelle son public à trouver dans son prochain une transcendance évidente a des airs de véritable thérapie.

 

Triple X

Attendez-vous ainsi à retrouver les éléments centraux qui font le sel de Sense8, notamment sa science du montage, capale d’éclater et de mélanger plusieurs séquences géographiquement disparates et aux enjeux variés, afin de créer un maëlstrom émotionnel. Marque de fabrique du show, utilisée à maintes reprises dans cet épisode de Noël, la sublimation des individus est non seulement une prouesse structurelle, capable de mêler les aventures de huit héros et pas moins d’une quinzaine de protagonistes.

 

Episode Noel Christmas special

 

Mais c’est aussi un accomplissement de montage parfois phénoménal. À la fois tour de force technique, qui augmente l’impact émotionnel, clarifie les enjeux tout en les complexifiant, ces séquences sont de véritables ballets et justifie à elles seules de regarder la série.

Dit comme ça, cela n’a l’air de rien, mais plus que jamais, on ressent l’effet produit par la volonté des Wachowski de tourner chacune des intrigues en « décors naturels », comprendre dans le pays où se déroule le récit. Et si la mise en scène est parfois rudimentaire, le jeu des couleurs, les variations de lumière, de texture, le jeu des températures colorimétriques comme des carnations en fait une des séries contemporaines les plus riches et foisonnantes visuellement.

 

Episode Noel Christmas special

 

Tape au fond, c’est Noël

Cet épisode spécial est donc une véritable décharge de plaisir. On regrettera néanmoins qu’elle joue un peu la carte de la sécurité, en nous offrant un véritable best-of des thématiques et des intrigues de la série, plus qu’une progression remarquable au sein de chacun des arcs narratifs. Comme sa dénomination l’indique, ce chapitre nous permet de découvrir les différentes acceptations et problématiques qui accompagnent Noël pour chaque protagoniste, plutôt que de progresser nettement dans l’évolution des personnages.

 

Photo Max Riemelt, Tina desai

 

On retrouve donc les grands items de Sense8 que sont les bastons physiques qui font mal, les dialogues mêlés à tiroir, de la partouze chimérique dantesque et de vraies bouffées de chaleur humaine, à faire sourire Francis Heaulme un jour de grève SNCF.

Dommage que le récit ait encore un peu de mal à intégrer naturellement l’intrigue de Capheus, ou que la menace Whispers manque de consistance. Cependant, ces menus défauts sont bien loin d’entamer l’invraisemblable réussite de cette œuvre délicate, fragile, véritable concentré de vie, tour à tour élégiaque, orgiaque, tendre et virtuose.

 

Episode Noel Christmas special

 

Tout savoir sur Sense8

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commentaires
Milano29
14/10/2020 à 21:56

J'ai regardé sense8 sans savoir ce que c'était exactement et sans avis particulier...
Arrivé à la fin des 2 saisons, tout bouleversé de joie, je me suis demandé mais qui a pondu cette série ?
Et oh surprise les Wachowski!
Tout s'explique... Je suis définitivement hyper sensible à toutes leurs œuvres !

Pog
25/12/2016 à 01:40

@Tawlky

Et Heroes était un X-Men amélioré. Et X-Men trouvait sa source dans tout un courant à l'origine. Perso, j'ai vu Heroes et Sense8, et si je vois bien le lien qu'on peut faire (le même qu'on peut faire entre Taken et Die Hard, ou tout un tas de films qui ont des concepts assez similaires), je trouve que le traitement et le ton sont très, très éloignés.

D'ailleurs, proposer une telle vision de la sexualité au-delà des codes habituels a une valeur en soit (qu'on y soit sensible ou pas). A son époque, Barbarella a provoqué un paquet de débats sur la sexualité du personnage, tout était vite focalisé sur cet aspect, et on avait le même type de réponse caricaturale que celui qui parle plus haut là de "bareback"...

Tawlky
25/12/2016 à 01:00

@Flim donc les gens qui n'aiment pas Sense8 sont soit des catho intégriste (je n'en ai jamais rencontré), soit des homophobes (connais pas non plus). Elle est belle ta vision du monde en noir et blanc, ça doit être confortable. Et oui sinon, Rogue One vaut largement Jupiter (riche? inventif? audacieux? on a pas regardé le même film).

Flim
24/12/2016 à 18:13

Je comprends mal mon époque.
Qu'on encense des mecs comme Villeneuve ou Nichols, qui ne tentent rien, ne proposent rien de neuf, et pondent du faux cinema réflexif et Indépendant chiant comme la mort, pendant qu'on crache sur un duo de cinéastes qui proposent un délire ultra riche, inventif et audacieux (putain Jupiter c'est autre chose que vos Star Wars tout pourris made in Disney), ca me dépasse.
Après quand on voit les réactions épidermiques contre eux et Sense8, c'est là qu'on comprend combien ils ont raison.
Entre le catho intégriste incapable de réaliser qu'il crache sur un message universaliste plus proche du cantique des cantiques que d'un truc debile gauchiste, ou celui qui nous dit calmement, bah c'est afffeux y a des pedes... on n'est pas sortis du sable.

Gollem13
24/12/2016 à 18:05

A fond avec Tawiki. Je suis loin d'être un réac allergique au propos lgbt, mais quand il n'y a que ça je ne peux m'empécher d'être fubitatif. Prends la saison 1 de sense8, retire le fait que ce soit des homos, il te reste un épisode à peine amélioré de Heroes. Les Wachowski n'ont plus rien à raconter, Jupiter a le mérite de nous le démontrer dans chaque plan, chaque dialogue, chacun des choix artistiques.

philmencre
24/12/2016 à 16:16

@Touk : oui le "quelqu'un" a trop bu de vin de messe frelaté...je doute que même a jeun il sorte quelque chose d'une pensée aussi binaire.

Touk
24/12/2016 à 15:02

Je crois que quelqu'un a déjà commencé à picoler sévère pour affronter le réveillon. Ca, ou un générateur aléatoire de morceaux de pensées qui a besoin d'être rechargé.

Dirty Harry
24/12/2016 à 14:52

l'autre est un saint, une abstraction forcément merveilleuse (ah la la : les dégâts de l'universalisme bébête sur les esprits faibles...) Surtout évitez de voir les effets concrets de ce que l'on pense dans le réel, parce que pour la fiction il sera toujours rassurant de constater que tout est harmonieux dans ce monde babylonien mais dans la réalité, c'est solitude urbaine (car coupé des horribles traditions "réactionnaires" qui produit des coutumes où l'on se rencontre, une fête de la saint jean ou à la sortie de l'église), tous gris derrière un caddie (une même mono-culture mondiale visant l'expansion du marché) et sexualité comme horizon indépassable de compensation affective (parce que c'est être ouvert que de pratiquer le barebacking n'allez pas y voir une déviance voyons)

Cervo
24/12/2016 à 02:02

Bien sûr qu'il y a une idéologie dans Sense8.
Sauf qu'elle est assumée. Claire.
Elle ne propose rien d'autre que d'aimer l'autre.

Tu parles d'un scandale.

Glob
24/12/2016 à 01:29

@Tawiki

Accuser cette série d'être juste une manière de 'propager une idéologie', c'est aussi pertinent que dire qu'Alerte à Malibu était une propagande massive pro-hétéro. Dès qu'on sort de la 'norme' acceptée et même plus questionnée (ou en tout cas, rarement questionnée depuis des décennies), on dirait que ça devient un truc incroyable ou douteux. Que ça un message cachée, un agenda, et que tous les trucs servis à la masse depuis des décennies n'avait rien de cela, était du contenu vierge, pur, qui n'a forgé aucune conscience, aucun pan de la culture.

Et sachant que derrière les images qui en perturberaient presquecertains, la série parle d'une forme de communion et de paix entre les humains, au-delà des cultures, des genres et des différences (et je dis ça sans parler de la qualité : on peut trouver ça niais, naze, ridicule, c'est le fond de la chose et ça me semble assez clair, voire trop clair), et que toute forme d'art a une portée politique, Sense8 est tout sauf l'objet à pointer du doigt actuellement, à mes yeux.

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