Orange is the new black saison 4 : la série Netlifx mérite t-elle toujours son succès phénoménal ?

Geoffrey Crété | 29 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 29 juin 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Devenue incontournable en quelques années, Orange is the New Black créée par Jenji Kohan (Weeds) a déçu avec une troisième saison molle. Avant une saison 4 qui redresse la barre ?

En février 2016, Netflix commande trois nouvelles saisons de la série Orange is the New Black, qui vivra donc jusqu'en 2019 minimum. La saison 4 n'a pas encore été diffusée, mais la foi du service de streaming qui s'est lancé dans la production de séries TV, est extraordinaire.

Lancée par Jenji Kohan après l'arrêt de Weeds, qui aura duré huit saisons sur Showtime, la série carcérale adaptée des mémoires de Piper Kerman est en tête de gondole du répertoire de Netflix. Avec House of Cards, qui a démarré quelques mois avant, elle représente l'autre facette du service : moins prestigieuse mais plus légère, moins réputée mais au moins autant dans l'air du temps, mais tout aussi omniprésente dans les cérémonies et les médias.

Reste que ce succès phénoménal qui se confirme au fil des années n'a pas empêché la série de se noyer dans ses défauts lors d'une saison 3 profondément insatisfaisante. La saison 4 confirme t-elle cette tendance ?

 

Taylor Schilling

 

ATTENTION SPOILERS

 

LA MORT VOUS VA SI BIEN

La saison 3 s'était terminée dans l'euphorie iréelle d'une escapade insolite dans le lac de l'autre côté des grilles, où les détenues se vautraient dans cette légèreté un peu artificielle qui alourdissait toute la saison. Cette parenthèse mineure se referme brutalement dans la saison 4, qui recentre Orange is the New Black et la replace dans la réalité.

La mort plane ainsi sur la quatrième saison, qui s'ouvre et se referme sur du meurtre : celui d'Aydin, envoyé pour tuer Alex mais arrêté par Lolly, et celui de Poussey, accidentellement tuée lors d'une protestation par le gardien Bayley. Le premier est un instrument à suspense, qui a donné le cliffhanger de la fin de saison 3 et se pose en épée de Damoclès au-dessus de plusieurs personnages impliqués dans la saison 4. Le second, lui aussi utilisé pour amorcer le season finale, rappelle surtout que la série est une dramédie, qui balaye les frontières entre le drame et la comédie pour prendre tout le spectre des émotions de la vie. 

Un équilibre très fragile, perdu lors d'une saison 3 insipide, qui retrouve de sa superbe cette année. Car la série de Jenji Kohan ne peut fonctionner sans ces deux visages, indispensables l'un à l'autre. La quatrième saison gagne donc en intensité et qualité ce qu'elle perd en aventurettes légères et autres pauses humoristiques.

 

Laura Prepon

 

DO THE RIGHT THING

La quatrième saison se rapproche de l'excellente deuxième année dans sa capacité à organiser ses intrigues pour éviter un brouhaha joyeux mais plat. Ce ne sera pas autour d'une antagoniste mais d'un thème omniprésent depuis le début : la haine raciale. Au coeur des discussions et de la réalité américaine, elle est le personnage principal de la saison, tapie dans l'ombre derrière toutes les décisions, tous les traits d'humour, tous les casiers judiciaires.

Hormis le meurtre d'Aydin, dont le corps découpé en morceaux sera enterré sous le potager, le désir de Piper de devenir une figure importante de Litchfield est l'autre intrigue majeure de la saison. Au nom de son business de petites culottes, elle se rapproche malgré elle d'une bande de néo-nazis et s'attire les foudres des Hispaniques, qui lui tatouent de force une croix gammée sur le bras. 

Mais le personnage de Taylor Schiling se fond un peu plus chaque saison dans la masse, loin de son statut original d'héroïne : un choix naturel vu la valeur toute relative du personnage face aux incroyables personnalités qui l'entourent, mais qui fait également sens dans l'évolution intime de Piper, dont l'identité est peu à peu dissoute dans la prison. Sa trajectoire personnelle résonne surtout dans l'histoire globale, qui oppose les différents groupes ethniques suite à l'arrivée massive de nouvelles détenues, qui modifient les rapports de force dans la prison.

 

Taylor Schilling

 

Alors que cette guerre intestine prend de plus en plus de place, les différentes minorités vont finir par trouver un ennemi commun : l'establishment. Un ennemi qui pèse sur tous les personnages, peu importe leur statut, leur rôle, leur genre. Les détenues luttent contre la nouvelle politique des gardiens, dirigés par l'impitoyable Piscatella. Pisctella lutte contre Caputo, qu'il estime impuissant et incapable, le forçant ainsi à instaurer des règles et contrôles stricts pour garder le contrôle de Litchfield. Caputo, lui, lutte contre la puissance de la MCC (Management and Correction Corporation), qui gère les prisons comme un business froid, tout en ayant une relation avec l'une de leurs émissaires, parfait petit soldat sans aucune conscience morale.

Cette pyramide de la terreur se fissure lorsque le cadavre est découvert dans le potager. La tenue de gardien d'Aydin, qui a intégré l'équipe pour éliminer Alex, cristallise les conflits entre le personnel de Litchfield et les détenues, plus que jamais considérées comme l'ennemi par Piscatella. Forcées à redescendre sur la triste Terre de l'Amérique, elles organisent des protestations pour exiger le renvoi du big bear, venu troubler leur royaume presque paisible. La pyramide s'écroulera avec la mort de Poussey, qui pousse les personnages dans leurs retranchements.

 

Taylor Schilling

 

BLACK LIVES MATTER

La mort de Poussey dans l'avant-dernier épisode a un sens profond. Déjà parce qu'elle est une référence évidente à Eric Garner, un Afro-Américain de 44 ans tué par un policier en pleine rue en 2014. Soupçonné de vente illégale de cigarettes, cet homme en surpoids refuse de se soumettre à un contrôle, expliquant en avoir assez d'être harcelé. Un policier utilise alors sur lui une technique d'étranglement interdite depuis 1993, qui le tuera sous le regard de passants qui filmeront la scène. Repris dans la série, les cris étouffés de Garner ("I can"t breathe !") resteront gravés dans les mémoires, notamment lorsque le policier sera innocenté par un jury (le tribunal de New York versera finalement près de 6 millions à la famille de la victime en 2015).

La vague de protestations plus ou moins violentes qui en découle, notamment liées à la mort de Michael Brown survenue le même été, a rappellé dans le bruit et la fureur que le racisme est une question brûlante aux Etats-Unis. Ce spectre de guerre civile plane sur la fin de la saison 4, lorsque Taystee (formidable Daniele Brooks, qui mérite autant d'éloges qu'Uzo Aduba) entraîne les autres détenues après avoir entendu que Caputo protégeait Bayley dans les médias, sans même citer le nom de Poussey. De quoi espérer que la saison 5 assumer& ces questions passionnantes et importantes, et ne se défilera pas après avoir posé une bombe dans l'histoire.

 

Red Piscatella

 

Cet événement signifie aussi, avec une assurance étonnante, que le drame est un acteur à part entière d'Orange is the New Black. Que la légèreté ambiante, qui avait rendu la saison 3 profondément inintéressante, n'a de réelle valeur que lorsqu'elle entre en collision avec la réalite brutale.

Il y a ce titre une magnifique scène dans le dernier épisode, où la mort de Poussey a foudroyé la prison. Quand son cadavre est emmené vers une ambulance de l'autre côté du grillage, la tristesse et la rage de ses amies éclatent dans la cour, notamment à cause des remarques d'autres détenues. Puis, en un instant, OITNB vacille dans la comédie quand Abdullah, nouveau visage désopilant de la saison, enlève son voile pour laisser apparaître une chevelure colorée. Les larmes de rage de Taystee et Cindy deviennent celles d'un fou rire, et la série additionne sa double force avec une efficacité irrésistible.

 

OITNB

 

ORANGE IS THE OLD BLACK

Une question pèse néanmoins sur la série : celle du syndrome Weeds, la précédente création de Jenji Kohan avec la géniale Mary-Louise Parker en mère de famille dealeuse. Série incroyable, inclassable, impertinente et superbement écrite, avec ce même souci du casting remarquable, elle avait été étirée à l'extrême jusqu'à n'être que l'ombre d'elle-même. Tentant de fuir ses démons, Weeds avait changé de décor plusieurs fois, mettant de plus en plus en avant ses faiblesses.

Arrivée à la quatrième saison, OITNB commence sérieusement à souffrir de sa formule. Les flashbacks qui reviennent sur le passé des personnages sont devenus une sorte d'obligation artificielle, et une fenêtre intime rarement intelligente vu sa limite de temps à l'écran. Le décor de Litchfield demeure invariablement le même, malgré l'apport régulier de nouveaux éléments pertubateurs (avec cette saison l'excellente Jolene Purdy, inoubliable Cherita Chen de Donnie Darko). Et malgré une volonté d'ouvrir les horizons, de nombreux éléments (l'histoire entre Piper et Alex, la douce folie de Crazy Eyes, et tout ce qui concerne les personnages principaux) deviennent redondants.

 

OITNB

 

A ce stade, OITNB prend peu à peu l'apparence d'une série qui a le carburant pour effectivement perdurer encore de nombreuses saisons, confortablement installée dans un décor.

Une série qui donnera encore un plaisir certain, bénéficiera longtemps de son statut extraordinaire de série moderne et féminine. Une série réjouissante, qui s'amuse à commenter l'actualité : des personnages qui regrettent d'être en prison car ils ont raté le phénomène Breaking Bad, qui ont entendu parler d'une série "où les gens tirent juste sur des zombies", qui parlent de Kanye West et Kim Kardashian, et offrent des dialogues parfois savoureux ("Elle est pas raciste ! Elle dit juste des trucs racistes").

Accuser OITNB d'être une série politiquement correcte, qui remplit bêtement la case du programme LGBT, est de mauvaise foi ; notamment parce qu'elle manie l'ambiguité et va au-delà de la bien pensance (Pennsatucky attachée à son violeur, Ramos qui profite de la mort de Poussey pour se faire un masque et apparaître à la TV). En revanche, la souçonner de devenir une future vieille série, addictive sans se remettre en danger, est légitime.

 

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commentaires
Keurzou
01/07/2016 à 02:38

La série est excellente. Aucune saison n est décevante. Humour, psychologie, drame, subtilité on est bien loin des zombies à la con ou d'histoire de trônes avec baise viol et dragons...
Pour moi c'est la meilleure série tout simplement. Respect aux scénaristes, respect aux acteurs et actrices...c'est de l'excellent boulot !

Geoffrey Crété - Rédaction
30/06/2016 à 11:42

@Yanch

Il suffit de lire l'intro : "en février 2016". On parle du moment où Netflix a commandé de nouvelles saisons, alors que la quatrième n'était pas encore diffusée.

Même chose ensuite : la mention "ATTENTION SPOILERS" indique que cet article consacré à la saison 4, parlera bien de la saison 4. Ce n'est pas du teasing mais un bilan, qui revient donc sur quelques événements marquants. Avec un avertissement, donc.

Yanch
30/06/2016 à 10:42

Vous dites en préambule que la 4 n'est pas encore diffusée ce qui est faux
Et vous teasez à mort notamment sur Piper ou P
Dégoûté d'avoir lu cet article

Stan
29/06/2016 à 22:53

Perso un autre temps fort de cette saison qui m'a fait versé une petite larme c'est lolly.
Notamment cette complicité avec Healy.

Healy qui est devenu très touchant, on a mal au coeur à chaque fois qu'on le voit.