Rencontres du troisième type : critique de la version ultime

Laurent Pécha | 14 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Laurent Pécha | 14 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Depuis quelques années, la mode est à la ressortie en salles ou en DVD de version longue ou director's cut comme cela fut le cas par exemple de Coppola avec son Apocalypse Now Redux, Christophe Gans avec Le pacte des loups, David Twohy avec Les chroniques de Riddick (uniquement en DVD celui-là) sans parler du roi en la matière, George Lucas et sa capacité sans limite à triturer sa première trilogie (en attendant la seconde quand elle sera terminée). 

RENCONTRE DE LA TROISIEME VERSION DU FILM

Dans ce contexte, il est bon de se rappeler que l'un des premiers à retourner sur la table de montage pour parfaire la vision de son film fut Steven Spielberg non pas seulement pour E.T. L'Extra-Terrestre mais aussi et avant tout pour Rencontres du troisième type. Deux fois, le réalisateur s'est en effet penché dessus pour en sortir deux versions qui diffèrent de celle inaugurale de 1977. Si celle qui se trouve sur le DVD chroniqué dans ces lignes et que Spielberg reconnaît comme étant la « bonne » version, modifie peu le premier montage, il n'en va pas de même de l'édition spéciale sortie en 1980, cette dernière révélant le mystère en nous faisant pénétrer avec Richard Dreyfuss dans le vaisseau.

Plus ou moins obligé d'intégrer cette séquence à l'époque pour pouvoir ajouter les scènes qu'il n'avait pu mettre faute de temps et d'argent dans la version de 1977, Spielberg ne s'est jamais caché qu'il n'appréciait pas cette édition spéciale. D'où la création en 1998 de la version ultime de son bébé.

 

Melinda Dillon


Certains remontages ne sont pas toujours heureux et dénaturent l'oeuvre originale en réduisant son impact (Apocalypse Now divise ainsi les supporters de Francis Ford Coppola) ou en modifiant son sens (Lucas et ses plans rajoutés de l'Épisode IV). Rencontres du troisième type n'entre absolument pas dans cette catégorie. La version définitive que Spielberg a approuvée en 1998 est assurément la plus aboutie. Elle éloigne à jamais le mauvais souvenir de l'édition spéciale. Les différences entre la version de 77, celle qui rencontra un succès retentissant lors de sa sortie et celle de 98 ne sont effectivement pas énormes : trois scènes ajoutées pour trois scènes supprimées.

 Si à une scène près (celle où Roy Neary/Richard Dreyfuss sur son lit, voit dans l'oreiller de son lit la réplique de la montagne Devil's Tower), les coupes ne sont pas significatives, les ajouts le sont. Notamment, la découverte dans le désert de Gobi d'un bateau échoué (30min 16s, scène présente dans le montage de l'édition spéciale de 1980) et le moment où Ronnie Neary/Teri Garr découvre son mari en train de faire une dépression sous la douche en plein milieu de la nuit et tout habillé (également visible dans le montage de 80).
 
 

François Truffaut (oui oui)

 

VERS L'INFINI ET AU DELA

Rencontres du troisième type possède une place à part dans la filmographie de Spielberg. Tout d'abord parce qu'il est l'auteur du scénario (chose très rare chez lui) et que depuis tout petit (comme il l'avoue au début du documentaire de Laurent Bouzereau) il est fasciné par le merveilleux, l'inconnu et les OVNI. Il se dégage ainsi de son récit une naïveté et un optimisme qui allait jusqu'à encore récemment (La Liste de Schindler) caractériser son cinéma, pour le meilleur (E.T.) et pour le pire (Hook). Avec un sens de l'image prodigieux et en reprenant certains thèmes élaborés dans Les Dents de la mer, Spielberg embarque le parfait Richard Dreyfuss dans une aventure bouleversante qui permet entre autre d'évoquer la venue d'extra-terrestres, avec une sobriété extrêmement particulière.

 

Photo Richard DreyfussRichard Dreyfuss

 

Ce qui intéresse le plus Spielberg, et l'absence de toute image de l'intérieur du vaisseau dans le montage initial le prouve, ce ne sont pas les aliens mais plutôt l'effet qu'a leur possible rencontre sur un groupe d'êtres humains. En ce sens, Rencontres du troisième type parle comme rarement un film a su le faire, du besoin de communication avec autrui (le personnage interprété par François Truffaut étant là pour le rappeler et le souligner à chaque instant), de cette volonté de connaître l'autre exacerbée ici par le fait qu'ils s'agissent d'extra-terrestres et ce quelque que soit le moyen pour y arriver. 

Ce moyen dans Rencontres du troisième type c'est la musique et plus particulièrement cinq notes (géniale trouvaille signée John Williams) qui permettent à Spielberg de signer une scène magique. L'échange de notes entre les humains et leur clavier électronique et le vaisseau extra-terrestre et ses lumières imposantes, immense moment de cinéma, constitue le pic émotionnel du récit.

 

PhotoLa rencontre

 

Tout le cinéma spielbergien est condensé dans cette séquence ainsi que dans une dernière demi-heure quasi muette, où la seule chose qui importe, sont ces quelques signes, gestes et notes musicales. Les films de Spielberg sont ainsi avant tout une expérience visuelle étonnante et fascinante que chaque individu peut comprendre (le succès phénoménal de ses films au fil des années le confirme), les images qu'ils véhiculent étant partout dans le monde aussi facilement compréhensibles et acceptées que les notes par les extraterrestres.

 

 

 

Résumé

Rencontres du troisième type s'impose comme le film somme pour comprendre la filmographie d'un des plus importants réalisateurs contemporains.

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Lecteurs

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commentaires
PVG
23/06/2021 à 02:15

J’ai regardé les commentaires pour voir si comme moi quelqu’un préférait la version édition spéciale dans laquelle je me souvenais avoir vu l’intérieur du vaisseau spatial avec émerveillement sans avoir jamais compris de quelle version il s’agissait. J’ai ma réponse ! Et la satisfaction aussi d’avoir lu un internaute qui avait gardé exactement le même souvenir que moi d’un François Truffaut dont le jeu était absolument nul ! Cela fait une quarantaine d’années que cela me turlupinait ; je suis heureux d’être tombé sur votre site ! J’ajoute que je n’avais jamais vu quiconque jusqu’à ce jour une seule critique à l’encontre des intonations insupportables dans la voix de François Truffaut. Je me suis toujours demandé si c’était par snobisme qu’aucun critique cinématographique français ne s’était permis de le critiquer à juste titre et pourquoi Spielberg si bien inspiré en général dans ses castings l’avait choisi pour représenter un scientifique français !!! Sans doute parce que ne parlant pas français il n’a pas été capable de détecter à quel point Truffaut était mauvais.

Cristal fluo
14/03/2021 à 19:07

Vu pour la première fois je devais avoir 13 ou 14 ans ! Un de films qui m'aura le plus marqué, d'autant plus que c'est mon fantasme depuis longtemps ! Depuis (j'ai 56 ans) je l'ai vu revu et encore revu toujours avec le même plaisir et en ayant toujours la larme à l'oeil ! Toutefois il y a un bémol ! En ce qui me concerne je préfère la version " l'édition spéciale" ! Je trouve que certaines scènes n'auraient pas du être enlevées et l'ajout de certaines autres n'apportant rien de mieux au film si ce n'est de rendre le personnage incarné par Terri Garr un peu moins bête ! D'autre part, je trouve le doublage de voix des acteurs ( heureusement celle de Truffaut est toujours la sienne) est bien moins convainquant que dans l'édition spéciale ! Ce film reste néanmoins dans mon top 5 de mes films préférés !

TheMoon
19/06/2018 à 11:53

J'étais en Algerie dans les années 80,

Je devais avoir 4 ans pas plus.

Ce film m'a marqué, notemment la scene du petit garçon devant sa porte.

Ces lumière mon intrigué, je me demandais ce qu'il y avait en dehors de la maison...

j'ai su des années plus tard qu'il s'agissait de Rencontre du 3eme types...

Rien que pour le thème du film et les détails réel qu'il y ajoute ( les 5 Spitfires retrouvés rpresente 5 avions qui ont disparue dans le triangle des Bermudes pendant la seconde guerre mondiale) qu'il utilise ça reste pour moi le meilleur Spielberg.

La découverte de l'inconnu...sans parler de cette affiche qui résume tout le film.

j'ai branché mes gamins sur E.T, dans quelques années ils seront mûres pour voir Close encounters....

Theo
15/06/2018 à 12:13

je l'ai vu etant enfant au debut des années 80 à la tv, l'un de mes prefere à cet âge,ceci dit je ne l'ai pas revu depuis une trentaine d'années lol! je suis curieux de voir ce que Speilberg a fait de son film au niveau image sur support bluray: a t-il remasterise les images en reparant les outrage du temps tout en conservant le grain d'origine, ? pareil pour les trucages, ils ont encore dans leur jus d'origine? ou bien il a fait comme Georges lucas?

Dirty Harry
15/06/2018 à 11:50

Un must. Il est étonnant que le héros n'ait aucun obstacle/adversaire (si ce n'est l'incrédulité mais sa suspension arrive très vite dans le récit), c'est une règle de dramaturgie complètement brisée mais le film fonctionne quand même, ce qui range tout de suite Spielberg parmi les grands car il peut se passer de certaines règles concernant la réalisation d'un film et le faire fonctionner brillamment.
Très bonne musique, très bonne réalisation (faire passer l'extraordinaire pour de l'ordinaire et vice-versa), on ressent à la fois des choses vraiment personnelles (donc connues) et à la fois le goût de l'inconnu.

Terminéator
15/06/2018 à 11:32

Il y a des films comme ça qui continuent de passer à la TV Encore Et Encore Et que tu regardes à chaque fois. La marque des grands films , des chefs d'œuvre du genre. Spielberg deja à son apogée pour un chef d'œuvre éternel. ÇA c'est du CINÉMA ????????????????????

corleone
15/06/2018 à 09:10

Chef d'oeuvre effectivement si Spielberg n'existait pas, il aurait fallu le créer.

FredDoBrasil
15/06/2018 à 08:07

Vu vers 10 ans, un souvenir inoubliable et un de mes premiers émois de cinéma. Je me souviens aussi que je ne comprenais pas pourquoi le scientifique français jouait aussi mal...
Mon Spielberg préféré reste néanmoins ET vu au cinéma à 5 ans donc je ne peut pas être objectif, le coeur parle

Le Waw
15/06/2018 à 00:23

Masterpiece absolu. Mon préféré de Tonton.

Matt
15/06/2018 à 00:05

Quel film mais surtout la zique!
Pas encore omniprésente comme ce sera le cas dans les 80's pour la majeure partie des films de Spielberg (en oubliant Empire du Soleil voir La Couleur Pourpre) mais l'usage de la gamme pentatonique comme dialogue avec les OVNIS...... Chapeau bas messieurs Spielberg/Williams.
On peut en trouver d'ailleurs un reflet "maléfique" dans le motif à 4 notes des raptors dans Jurassic Park. Redonnez moi du scories comme ça messieurs s'il vous plait!!!

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