Critique : Cinq pièces faciles

Nicolas Thys | 14 février 2012
Nicolas Thys | 14 février 2012

Réalisé en 1970 aux Etats-Unis par Bob Rafelson dont c'est le deuxième film, Five easy pieces porte la marque de son époque, de la même manière que des films comme L'épouvantail, Macadam à deux voies ou Easy rider dont on retrouve trois des acteurs, Jack Nicholson, Karen Black et Toni Basil et le directeur de la photographie, László Kovács. La filiation entre les deux films est certaine, et la présence de Jack Nicholson, acteur phare de cette génération errante, ne peut qu'aller dans ce sens malgré leurs différences. Perçu comme un hymne à la liberté, ces Cinq pièces faciles qui tirent leur titre des morceaux de musique classique qui parsèment le film (signés Mozart, Bach et Chopin), est peut-être surtout celui d'une libération, d'un temps où tout semblait possible, réalisable. La fuite hors des carcans sociaux ou moraux qui énervent et emprisonnent.

Le film ne montre rien d'autre que le désir vers un ailleurs où tout serait différent, où le passé ne nous rappellerait plus à lui. Belle utopie difficile à réaliser tant les liens sont compliqués à dénouer. Car c'est bien de ça dont Nicholson voudrait se défaire, ses racines sociales, symboliques. Retrouver les vraies, celle du monde, de la terre et de la poussière dont le premier plan est le symbole parfait. Et pour cela, prendre la route encore et encore sans se soucier de ce qui se passera le lendemain. Bifurquer simplement comme lorsqu'il monte sur un camion, ou traverser les Etats-Unis en prenant en stop des gens qui fuient eux-aussi. Mais tout cela en montrant à chacun l'absurdité du monde, absurdité à laquelle ils participent à leur manière et qui le conduit à vouloir être seul, de plus en plus seul dans un univers où la solitude semble être un travers inaccessible. Nombreux sont ceux qui l'entourent et pratiquement personne pour le comprendre, sauf une de ses sœurs peut-être. Pour eux, qui cherchent juste à s'insérer dans des mondes préconçus, rassurants en même temps qu'étouffants, cette solitude est la conséquence d'un malaise dont ils ne comprennent pas qu'ils en sont la source. Ni sa petite amie, ni sa famille ne le voient. Et leur aveuglement le pousse à fuir.

Five easy pieces est un film musical en ce sens qu'il est parcouru par la musique. Elle est partout, tout le temps. Elle participe également de cette libération totale du personnage qui peut la retrouver à tous les endroits, même les plus incongrus. Se plonger dans son univers éthéré, l'écouter et la jouer et s'évader dans son abstraction et toute sa réalité. Et c'est là aussi le paradoxe, cette musique ne peut que ramener le personnage de Jack Nicholson au passé qu'il cherche à fuir à tout prix car elle fait partie de son enfance, de ce cercle familial qu'il veut fuir. Elle l'amène à l'amour dans ce qu'il a de plus libre, et elle le lui en prive à cause d'apparences sociales néfastes. Ces cinq pièces faciles, c'est en quelque sorte son chemin de croix, sa vie dans tout ce qu'elle lui apporte et ce qu'elle lui retire. C'est ce qui le pousse à revenir encore, et à fuir d'autant plus.

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