Critique : Nosferatu - fantôme de la nuit

Julien Foussereau | 13 septembre 2010
Julien Foussereau | 13 septembre 2010

Nosferatu, une symphonie de l'horreur reste une œuvre fondamentale dans le cinéma de type vampirique. Pour oser se mesurer au film de Murnau, il fallait bien un cinéaste de la trempe de Werner Herzog. Ainsi, Nosferatu, fantôme de la nuit s'envisage clairement comme un remake de l'original tout en le parsemant d'éléments qui en font un film beaucoup plus pessimiste et cynique. Une phrase de Herzog est suffisamment éloquente : « Nous n'avons pas de pères mais que des grands-pères ».

En effet, la fidélité de Herzog envers Murnau est là, présente. Mais une différence fondamentale les dissocie : Murnau était un enfant de l'Empire Bismarckien finissant dont l'éclosion artistique surviendrait en pleine République de Weimar. Herzog met en boite des plans où l'humanité est noyée dans l'immensité minérale des Carpates, en ayant bien en tête les chefs d'œuvres picturaux de Caspar David Friedrich. Cependant, Nosferatu, fantôme de la nuit est indubitablement la réappropriation d'un film insurpassable par un cinéaste allemand hanté par l'héritage du nazisme. Film elliptique et contemplatif, le ...fantôme de la nuit prend une dimension historico-analytique dans le miroir déformant qu'il engendre avec Murnau. L'optimisme presque cathartique de l'Avant-garde allemande au lendemain de la Grande Guerre face à l'alarmisme désabusé d'un Herzog reflétant la culpabilité d'une nation enfoncée dans les tréfonds de la décadence nazie il n'y a pas si longtemps.

Ce sentiment latent se manifeste dans la mise en scène de Herzog par un côté volontiers surnuméraire des éléments maléfiques, notamment dans l'invasion de rats porteurs de la peste (brune ?) donnant lieu à des scènes d'apocalypse glaçante non pas par leurs effets horrifiques mais par leur froideur confinant à la fin de tout. A ce titre, la représentation du comte Dracula par Klaus Kinski s'avère plus nuancée. Prédateur cadavérique chez Murnau, il apparait ici comme une incarnation du Mal sur la fin, victime de son état. De la même manière, l'ombre du vampire, expressionniste et puissante chez Murnau, s'avère être à la fois l'extension du Diable et la manifestation d'une souffrance ici quand Dracula cherche à posséder plus que le sang de Lucy Harker. Quitte à en oublier les rayons perçants du jour. Sauf que Murnau, en pionnier animé par un sentiment cinématographique de pureté, espérait de toutes ses forces que le Mal soit vaincu une bonne fois pour toutes. L'Histoire a rappelé à Herzog qu'il ne demande qu'à ressurgir. Plus fort que jamais.

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