Le Deuxième souffle : Critique

Jean-Noël Nicolau | 11 octobre 2007
Jean-Noël Nicolau | 11 octobre 2007

La relecture du Deuxième souffle par Alain Corneau est un film fascinant. Sans doute pour de mauvaises raisons, l’œuvre ne cesse de surprendre.  On le sait, la collaboration entre José Giovanni (l’auteur du roman) et Jean-Pierre Melville fut difficile et l’écrivain ne cacha jamais sa frustration. La note d’intention de Corneau est donc intéressante : coller au plus près du texte avec les moyens contemporains et surtout se démarquer totalement de la veine réaliste du polar pour verser dans le fantasme et le cliché.

 

 

Première constatation, malgré les dires de Giovanni, Le Deuxième souffle melvillien collait à la ligne près au livre, car les scènes et les dialogues sont rigoureusement identiques (à une virgule ou un chiffre près). Corneau ne fait que quelques ajouts, loin d’être bienvenus (on cause durant l'évasion d’ouverture, on essaie d’humaniser le commissaire Blot, on développe le personnage de Manouche). La véritable originalité de sa démarche réside dans le traitement visuel, extrêmement sophistiqué mais irrémédiablement kitsch.

Couleurs pétaradantes et filtres omniprésents, cadrages compliqués, volonté de tailler chaque plan dans le marbre de la mythologie des gangsters, ce Deuxième souffle est clinquant jusqu’à l’absurde. Surtout lorsque le réalisateur utilise une caméra HD, en contradiction avec les tonalités oniriques. En cela ce remake est en totale opposition avec le Melville : au noir et blanc froid et à la mise en scène coupante répondent une surcharge du moindre décor, du démonstratif aberrant (des plans gores grotesques) et surtout un enfilage de ralentis qui renvoient aux pires imitateurs de John Woo. Autre notable différence, la partition mélodramatique de Bruno Coulais qui surligne chaque situation.

Côté casting on navigue du correct (Jacques Dutronc, digne) au pire (Eric Cantona, très drôle et Monica Bellucci qui permet de réhabiliter la Christine Fabréga de l’original). Mais tous, malgré leur bonne volonté, souffrent terriblement de la comparaison avec les acteurs de 1966. Daniel Auteuil sera toujours moins charismatique en gangster au bout du rouleau que Lino Ventura et sa férocité rentrée.

Malgré tout, le Deuxième souffle de Corneau demeure intrigant, son jusqu’auboutisme relevant d’une démarche artistique aussi affirmée qu’improbable.

 

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