Critique : Assaut

Longtemps perçu comme un remake de Rio Bravo, que Carpenter vénère, Assaut tire avant tout son inspiration des films de « blackploitation » de l'époque et surtout de La Nuit des morts-vivants, de George A. Romero. Le tournant en trois semaines dans la région de Los Angeles avec un budget dérisoire, John Carpenter officie sur ce film en qualité de metteur en scène, scénariste, coproducteur, compositeur et monteur (sous le pseudonyme de John T Chance : nom du personnage incarné justement par John Wayne dans Rio Bravo). Sous des airs de western, John Carpenter nous livre ici un authentique film d'horreur.

Avec un sens ahurissant de la mise en scène, l'exposition du film reste un modèle de minutie et d'intelligence dans la gestion des espaces et du temps, le cinéaste investit le huis-clos et invente le western urbain. Tout concourt à rendre le film réaliste (utilisation d'incrustations multiples illustrant faussement une chronologie temporelle), à situer les différents personnages dans un lieu, avant de faire basculer doucement les règles du jeu vers le fantastique. Tout semble normal et pourtant... les assaillants n'ont pas plus de visage que de motivations précises, meurent puis « ressuscitent ». Tout concourt à leur conférer un statut graphique et abstrait : la première représentation du Mal selon Carpenter.

Apportant à chacun de ses films une portée politique plus ou moins visible, John Carpenter livre à travers Assaut un portrait terrifiant d'une banlieue livrée à elle-même, où les gangs font la loi face à une autorité répressive, elle aussi dépourvue de visage (le carnage de la séquence d'ouverture en atteste), conférant à son film une vision prophétique (les émeutes du quartier de Watts sont encore présentes dans les mémoires) quant à la situation des laissés-pour-compte du système : un « no man's land » peuplé de morts en sursis (tel ce clochard pris pour cible par l'un des membres du gang en patrouille motorisé) que l'on retrouvera à plusieurs reprises dans les films du cinéaste, Prince des ténèbres et Invasion Los Angeles notamment.

Film culte par excellence, sorti en France amputé de deux scènes (le pacte de sang du gang, la scène du marchand de glace), Assaut aura été une référence constante pour toute une génération de jeunes cinéastes, de Nid de guêpes, remake inavoué de Florient Emilio Siri, au remake officiel signéJean-François Richet (Assaut sur le central 13). Même la bande originale de Carpenter a fait l'objet d'un culte, véritable précurseur de la musique électronique : le thème principal d'Assaut sera remixé par Tricky. Avec cette première incursion dans le fantastique, Carpenter nous livre son premier choc visuel et cinématographique : un film unique en son genre, qui ne cesse de se bonifier au regard de ce que le cinéma hollywoodien, grand recycleur, nous sert aujourd'hui.

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