Critique : Jardins en automne

Nicolas Thys | 5 septembre 2006
Nicolas Thys | 5 septembre 2006

Réalisateur géorgien installé en France vers 1980, Otar Iosselliani est l'un des grands paradoxes du cinéma : réalisateur insolite de fables tantôt noires tantôt amusantes mais toujours étonnantes, son œuvre, maintes fois primées dans les festivals, est l'une des plus originales de notre époque. Pourtant, le public ne suit pas. Est-ce parce que le rythme, souvent lent et distendu, de ses films composés essentiellement de plans séquences rebute alors qu'il semble conférer aux acteurs et à la narration un effet de liberté peu commune ? Ou parce que le cinéaste refuse d'employer des stars ou au moins des acteurs aux visages connus transportant à chaque apparition à l'écran leur filmographie entière derrière eux ? À noter malgré tout la présence de Michel Picolli mais grimé en mamie gâteau méconnaissable dans un rôle qui lui va à merveille.

Tourné avec des moyens dérisoires tout comme ses précédents films, Jardins en automne ne déroge pas à la règle et on y retrouve l'ensemble des éléments qui ont fait de Otar une figure majeure du cinéma français au style visuel et sonore des plus singuliers et des plus intéressants du moment.

Dans cette comédie, un ministre contraint de démissionner, retrouve le goût de vivre et une liberté totale dont il semblait complètement dépossédé durant son mandat. Paris reste bel et bien le lieu de prédilection du film mais rien n'indique véritablement où l'action se situe. La présence d'aucun grand monument ne vient troubler l'action et Iosseliani s'éloigne du Paris touristique magnifié de certains films couleurs sépias pour laisser libre court aux déambulations du personnage dans une ville où finalement tout devient facile. Idem pour les personnages qui se décoincent et apparaissent dans toute leur extravagance une fois sortis du ministère. Le film se transforme en une ode à la liberté et pour la trouver le réalisateur emprunte le chemin ouvert par le cinéma burlesque tant au niveau de l'utilisation admirable du son qui confère à Jardins en automne l'esprit d'un film muet que dans la mise en scène où tout devient propice aux croisements et à un comique de situation aujourd'hui presque disparu. Pierre Étaix, digne hériter de Linder et de Tati en France, fait d'ailleurs une apparition dans une première séquence totalement surréaliste.

Au milieu de ces rencontres où tout le monde semble se connaître et se comprendre, les cinéphiles avertis pourront reconnaitre deux autres figures importantes d'une certaine idée du cinéma peut-être révolue mais à laquelle Iosselliani adhère plus que jamais : Laslo Zsabo, acteur majeur de la Nouvelle Vague en Hongrie et en France, et Jean Douchet, critique à l'époque de l'âge d'or des Cahiers du cinéma et cinéaste à ses heures.

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