Critique : Dumbo

Julien Foussereau | 19 février 2010
Julien Foussereau | 19 février 2010

Près de 70 ans après sa sortie, Dumbo demeure un des plus grands classiques du catalogue Disney en longs-métrages d'animation traditionnelle. Régulièrement cité comme le Disney préféré dans divers sondages, Dumbo jouit d'un statut qui peut laisser rêveur sans que l'on sache réellement pourquoi dès lors qu'il s'agit de creuser la question.

D'un point de vue strictement esthétique, le film ne paie pas de mine. Quatrième long, situé entre les deux gros morceaux que sont Fantasia et Bambi, Dumbo ne bénéficie pas de la technologie multiplane (diverses couches de décors sur autant de plaques de celluloïds, apportant une profondeur de champ étonnante) et sa facture générale est très clairement en deçà des précédentes productions de la maison de Mickey, chacune apportant sa mini révolution technologique. Le design des animaux n'est pas non plus à tomber à la renverse - il suffit de voir les félins et les pachydermes dans les Disney ultérieurs. La fluidité des mouvements ne correspond pas non plus à ce que l'on attend d'un Disney et la palette chromatique s'en tient au strict nécessaire.

Deux raisons historiques expliquent ce relâchement. D'une part, le Walt Disney Animation Studio était au bord de la banqueroute après les contreperformances de Pinocchio et Fantasia au box-office et l'urgence était de produire un nouveau long-métrage en resserrant les cordons de la bourse. D'autre part, les dépositaires de l'animation classieuse made in Disney tels que Milt Kahl, Ollie Johnston et Frank Thomas travaillaient sur Bambi au même moment. En conséquence, Dumbo fut confié à l'équipe des Silly Symphonies et Fred Moore, l'homme qui redessina Mickey. La fameuse et magistrale danse des éléphants roses en mode éthylique en est l'héritage le plus évident.

Pourquoi donc, malgré ces contraintes, Dumbo reste ce classique éternel ? Peut-être à cause de sa narration simple, courte, directe, magnifique, focalisée sur ce lien fort unissant une mère éléphante à son enfant traité comme un freak à cause de sa difformité physique. Il n'y a pas à proprement parler de méchant(s) dans Dumbo, juste le reste du monde et sa cruauté. L'histoire se concentre essentiellement sur Mme Jumbo, Dumbo et Timothy Q. Mouse. Pendant l'écrasante majorité de son récit, Dumbo est dominé par une sensation d'impuissance ; impuissance renforcée par le parti-pris de priver son héros de parole. En cela, Dumbo préfigure Wall-E : un être que la cruauté du monde, ce cirque sans filet, a rendu solitaire malgré lui ; un être désespérément à la recherche de l'amour de sa mère.

C'est bel et bien cette frontalité naïve inconditionnelle qui fait tout le sel de Dumbo. Encore aujourd'hui, Mon tout petit chanté par Mme Jumbo, du fond de sa geôle, à son fils se balançant sur sa trompe constitue un sommet de crève-cœur, capable de venir à bout des carapaces cyniques les plus épaisses. Rien que pour ce bloc de tendresse et sa conclusion expéditive mais bonne comme du bon pain, Dumbo figure parmi les plus beaux hymnes à l'amour maternel et à la différence offerts par le 7ème art.

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