Critique : Le Monstre est vivant

La Rédaction | 21 novembre 2004
La Rédaction | 21 novembre 2004

Les idées les plus simples sont souvent les meilleures. Ce vieil adage vaut pour Le monstre est vivant, que l'on pourrait résumer ainsi : et si, en réalisant avec vous le plus bel acte d'amour qui soit, votre femme accouchait d'un monstre ? Une idée qui a de quoi faire froid dans le dos. Il n'en faut pas plus à Larry Cohen pour nous prendre dès les premières secondes dans un engrenage qui va crescendo et qui tient le spectateur en haleine grâce à sa réalisation énergique. La caméra à l‘épaule vacillante qui reproduit le chaos ambiant des premières minutes, et l'implication des acteurs dans leur rôle suffisent à créer un climat tendu. Aidé par deux interprètes principaux remarquables, le cinéaste parie sur la subjectivité et la suggestion avec des meurtres filmés hors champ qui ont de quoi mettre mal à l'aise. Au fil de la narration, on réalise que la sérénité naturelle du père de famille cède à une montée d'angoisse due au traumatisme postnatal et aux conséquences sociales, familiales et professionnelles qu'il entraîne.

On peut à la rigueur, pour chipoter, apporter un bémol concernant le maquillage un poil daté du bébé, mais c'est peu au regard du reste. Le film distille quelques effets chocs grâce à des séquences en vue subjective (une excellente idée), mais ne repose pas que sur cela, car il propose un rythme soutenu au suspense prenant. On suit avec intérêt l'évolution des deux personnages principaux, des monsieur et madame Tout-le-Monde, pris dans une déferlante de violence et d'incompréhension. L'idée la plus formidable est de faire passer un bébé pour un tueur sanguinaire en en montrant le moins possible, du moins en ne faisant que souligner les conséquences de ses actes. Il est ainsi montré la plupart du temps comme une ombre néfaste qui peut frapper à tout moment, invisible mais bel et bien mortelle. Le suspense cathartique tend vers le final dans le tunnel, où le nouveau-né, d'une taille incroyable, fait penser aux futurs films de David Cronenberg comme Rage, sorti quelques mois plus tard, ou Frissons, dans lequel un virus contamine d'autres personnes et à partir duquel un environnement change, évolue et montre un visage bien moins agréable qu'à l'origine. On peut même penser au Elephant Man de David Lynch, avec cet enfant difforme né d'une mère qui fut écrasée par un éléphant, et dont l'éveil difficile à la vie puis le retour à l'humanité touche et trouble, à l'image de la scène où le père se penche sur sa progéniture avec un regard qu'il ne lui portait pas jusqu'alors, cette dernière passant du statut de bourreau à celui de victime.

De très loin le meilleur volet de la série, dont la musique signée Bernard Hermann lui permet d'avoir une autre corde à son arc, Le monstre est vivant est une bonne série B à l‘ancienne.

Michel Strachinescu

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