Critique : Doomsdays

Simon Riaux | 21 avril 2014
Simon Riaux | 21 avril 2014

Projeté pour la première fois en France à l'occasion de la 8ème édition du Festival Mauvais genre de Tours, Doomsdays a été notre coup de cœur d'une sélection aussi singulière et éclectique qu'à l'accoutumée. Entre inventivité, poésie et absurde, le cinéaste Eddie Mullins compose un premier film qui aura apportée à la manifestation déjantée la touche jubilatoire qui fait sa marque depuis bientôt dix ans.

 

La fin du monde n'a pas encore eu lieu, mais elle est pour bientôt, Dirty Fred et Bruho en sont convaincus. Survivalistes portés sur le crevage de pneu et la consommation massive d'alcool, ils errent de maisons vides en demeures de locations, dévalisant les réserves de nourriture et de whisky. De ce point de départ curieux, Eddie Mullins ne se séparera jamais, préférant se concentrer sur les personnages plutôt que sur les péripéties à proprement parler. Nous ne saurons donc à peu près rien des failles ou traumas qui animent nos deux âmes en peine, focalisés sur leur relation tordue, cette amitié non-sensique qui les pousse dans une série de situations improbables. Ainsi naît un sentiment de décalage permanent, une folie douce qui contamine lentement le spectateur, lequel se surprend à se demander s'il n'y a pas dans son voisinage une poignée de baraques à dévaliser le temps d'un week-end.

La modestie de ce projet financé sur Kickstarter semble ne jamais parasiter la mise en scène, aussi minimaliste que maîtrisée. La caméra ne s'affole pas, le découpage se contente de donner aux quatre formidables comédiens un terrain de jeu quasi-vierge, où la petite troupe expérimente, se déchire et s'aime. Car il y a dans ce road trip au ralenti quelque chose de Wes Anderson. Un lignage sans doute un peu écrasant au vu de l'inexpérience du jeune Eddie Mullins, mais indiscutable, tant la question ici dominante est celle du groupe, de la famille.

Et nos deux compères azimutés de charrier dans leur sillage d'autres délicieux asociaux, dont l'impressionnante Laura Campbell, qui sous ses airs de love interest évident parvient à révéler l'âme de chacun de ses complices. Ode à la marginalité, à l'errance et à l'inconscience, Doomsdays souffre d'un rythme parfois trop lâche et de quelques séquences trop répétitives. Mais peut-être est-ce à ce prix que le film parvient à distiller la drôle de mélancolie qui nous imprègne et nous accompagne. Éclat de rire d'une bande de bras cassés à la face d'un monde aussi vide qu'impersonnel, la création d'Eddie Mullins est peut-être la première œuvre du genre pré-apocalyptique, ainsi que la naissance d'un réalisateur à suivre, dont on espère voire croitre la fantaisie et l'audace.

 

EN BREF : Surprenante balade aux côtés d'une belle brochette d'allumés, Doomsdays nous ouvre les portes d'un univers désenchanté et délicat, tout en nous révélant le talent de l'étonnant Eddie Mullins.


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