Critique : Everyone’s going to die

Simon Riaux | 8 juillet 2014
Simon Riaux | 8 juillet 2014

Quand un collectif d'anciens pubards passe derrière la caméra pour réaliser un long-métrage, le cinéphile avisé craint le pire. Et pourtant, s'il ne diffère pas fondamentalement des comédies romantico-dramatiques typiques du cinéma indépendant anglo-saxon, Everyone is going to die parvient à marquer durablement la rétine. Jetons donc un œil à ce curieux attelage, qui réunit pour le pire et surtout le meilleur une jeune allemande un brin paumée et un tueur en gage en pleine crise existentielle.

Gags à contretemps, répliques pinces sans rires et plans qui semblent ne jamais vouloir s'interrompre, Everyone is going to die déploie rapidement l'arsenal stylistique minimaliste qu'on attend de lui. Heureusement, les mystérieux gaillards du collectif Jones ont deux armes affutées pour nous faire oublier la dimension. La première n'est autre que leur désarmante sincérité. Si le film ressemble à beaucoup (trop) d'autres, ses dialogues et son écriture le propulsent rapidement hors des sentiers battus. Fins et lumineux, on en viendrait presque à se demander dans quelle mesure ils n'ont pas été largement improvisés. En dépit d'une thématique rebattue (la rencontre deux êtres en perdition, que tout oppose à priori), la précision des répliques comme l'absence d'effet de manche trop voyants permettent de se fondre rapidement dans ce récit que porte une photographie évanescente.

Le casting s'avère l'autre point fort du métrage, qui ne redoute pas de s'abandonner à ses acteurs, le long de dialogues qui durent et permettent au spectateur, même réticent, de laisser le charme des comédiens s'insinuer en lui par touches successives. Rob Knighton fait à ce titre figure de miracle. Lui que les réalisateurs ont casté alors qu'il était encore poseur de moquette, illumine chaque photogramme de sa présence ambiguë et touchante. À travers ses yeux de Droopy meurtrier, c'est une mélancolie délicate qui se répand, la sagesse de l'homme qui a suffisamment arpenté les ténèbres pour trouver en leur sein une lumière enclose et réconfortante. Plus professionnelle mais pas moins gracile, Nora Tschirner offre ici une partition autrement plus solide que dans Kebab Connection, entre spleen et euphorie. Son personnage a beau être le plus prévisible de ce duo à contre-temps, elle parvient à lui conférer une vibrante sensibilité.

Everyone is going to die ne révolutionnera pas le cinéma, ni même le genre auquel il appartient. Pour autant, tout dans ce projet mérite que de s'y attarder. Les petits gars de Jones nous proposent une une brève promenade (moins d'1h30), dont l'humilité et la fragilité font écho à la tendre fébrilité de ses personnages. Confectionné dans l'urgence, avec les moyens du bord, le métrage quitte progressivement le rivage rassurant des clichés indés pour trouver une poésie et une quiétude contagieuses. À défaut d'être inoubliable, voici un premier film précieux.


En Bref : pas original pour un sou, le film nous touche néanmoins grâce à sincérité désarmante et son duo de comédiens inspirés.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire