Critique : We are the best !

Nicolas Thys | 2 juin 2014
Nicolas Thys | 2 juin 2014

On avait découvert Lukas Moodysson en 1998, lors de la sortie de son premier long métrage, Fucking Amal, énorme succès dans son pays d'origine, la Suède, et certainement l'un des plus beaux portraits d'ados jamais proposés. Si ses deux long suivants, Together sur une communauté hippie dans les années 70 et Lilya 4-ever qui traitait des réseaux de prostitution de mineurs entre la Russie et la Suède, sont également arrivés jusque sur nos écrans, cela faisait maintenant plus de 10 ans qu'on n'avait pu voir un de ses films en France au cinéma.

We are the best ! marque donc son grand retour et comme ses films précédents c'est une jolie réussite alors que toutes les conditions pouvaient être réunies pour tomber dans les clichés rétro et vulgaires. Adaptation d'un roman graphique en partie autobiographique de son épouse Coco, le film de Lukas Moodysson revient un peu aux sources du cinéma qu'il aime faire en proposant une nouvelle fois un portrait d'ados dans une ambiance punk ravagée. Mais cette fois toute teneur dramatique est évacuée pour se concentrer sur un registre comique qui rappelle Together comme s'il en proposait une fausse suite, la décennie suivante.

Comme souvent, si les plus jeunes sont au cœur de son film, traversant des paysages suédois aussi laids que banals avec autant de naïveté que d'envie de vivre d'une autre vie, les parents ne sont pas en reste et on les découvre souvent impuissants avec un retard si grand sur leurs enfants qu'on se demande s'ils n'ont eu 12 ans plusieurs siècles auparavant. Chez Moodysson, la banlieue et la famille semblent être les principaux maux du monde, des ruines dont on se demande si elles ne sont pas éternelles mais dont il faut bien s'accommoder pour avancer. Et c'est ce que vont faire les deux héroïnes aux allures de garçons manqués, qui en ont plus qu'assez du monde dans lequel on les oblige à exister, en voulant fonder un groupe punk sans jamais avoir touché un instrument de leur vie. Elles vont être aidées par une catho coincée qui ne demande elle aussi qu'à s'exprimer, se lâcher et devenir autre chose que l'image qu'on a d'elle. Tout ici est question d'image : image de soi et image de l'autre, image à briser et à modeler.

La grande force de We are the best !, ce qui le rend si intense, si vrai et ce par quoi on est totalement pris alors que l'action est pourtant à mille lieues de toutes nos préoccupations actuelles réside dans l'impression de réalité qui se dégage. Aucun effet spécial ici mais un soucis du détail qui nous plonge littéralement 30 ans en arrière, un certain grain dans l'image et des teintes naturelles, une caméra jamais pesante, proche des personnages, aussi vivante qu'eux et qui semble happer leur énergie, leurs peines et leur folie.

En bref : Si la mise en scène et l'histoires sont simples, elles sont réfléchies et efficaces. Et on est d'autant plus heureux de retrouver ce cinéaste que le temps qui passe n'a pas encore fait vieillir...

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