Critique : La Femme du Ferrailleur

Maryne Baillon | 25 février 2014
Maryne Baillon | 25 février 2014

Couronné par l'Oscar et le Golden Globes du meilleur film étranger pour No man's land, le bosniaque Danis Tanovic avait depuis cette première consécration en 2001 manifesté un goût certain pour les œuvres engagées et d'une profonde humanité. Avec La femme du ferrailleur, il pose cette fois un regard unique et intelligent sur les discriminations dont sont victimes les minorités en Bosnie-Herzégovine.

À travers les pages d'un journal bosniaque, Danis Tanovic tombe en 2011 sur un article relatant l'histoire bouleversante de Nazif et Senada. Un couple dont la pauvreté avait privée cette dernière d'une opération cruciale. Ne bénéficiant d'aucune aide de l'état, Senada échappera de peu à la mort grâce à la persévérance de son mari prêt à tout pour trouver une solution. Afin de raconter cette histoire avec sobriété et réalisme, Tanovic brise les codes de la fiction classique et s'inspire de son passé de reporter de guerre pour tourner le film à l'instinct. Caméra embarquée, lumière naturelle, pas de costumes, ni de maquillage, pas même de scénario, et les acteurs sont à une exception près ceux qui ont vécu cet épisode.

De travail artistique, il n'y a pas vraiment et si le traitement trop aléatoire de la mise en scène s'avère parfois dérangeant (certains plans sont longs, redondants et coupent le rythme du récit), entre les mains des vrais protagonistes de cette histoire, le message n'en paraît que plus fort. Nazif et Senada ne jouent pas, ils n'ont pas le bagage pour ça, mais apportent par leur présence ce qu'aucun comédien professionnel ne pouvait offrir, une véritable authenticité. Les émotions par lesquelles ils passent, on les devine, et cela ne nous empêche pas d'être à la fois touchés par le courage et la générosité du mari, mais aussi révoltés par la décision des médecins ne voulant pas opérer Senada alors que celle-ci agonise sous leurs yeux.

À travers cette oeuvre, Tanovic dénonce à la fois le système de santé défaillant de son pays, mais aussi les discriminations que subissent les minorités, et les roms en particulier. Nul ne peut ignorer ici la détresse de ces personnes que l'on rejette à cause de leur condition sociale. C'est d'ailleurs bien l'objectif du réalisateur, celui de faire prendre conscience des états émotionnels par lesquels passe les victimes de telles discriminations, en offrant par la même occasion, il faut le dire, une image plus digne et humaine des roms que celle véhiculée par nombre de médias.

EN BREF : malgré la fragilité de sa mise en scène, La Femme du ferrailleur reste sincère et percutant et révèle l'oeuvre essentiellement humaniste d’un cinéaste au grand sens civique.
 

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