Critique : Cristo Rey

Saint Domingue n'est pas la patrie du cinéma, loin s'en faut. En effet, Leticia Tonos est la première réalisatrice issue de ce petit pays et Cristo Rey son deuxième film, autant dire qu'il est attendu avec curiosité, le cinéphile ne croulant pas sous les images et représentations de cette société caribéenne multiculturelle.

Le principal mérite du film est en effet d'offrir à son spectateur la découverte d'un espace nouveau, dont les couleurs, les motifs et la géographie lui offrent aussi bien un échappatoire au tout venant cinéphilique qu'un potentiel vivier de caractères aux motivations et intérêts différents de ceux qu'il fréquente traditionnellement dans les salles obscures. Si Haïti, voisin conflictuel et passionné de Saint Domingue est bien connu chez nous, sa compagne insulaire ne jouit pas du même écho, on sera donc reconnaissant à Leticia Tonos de pallier partiellement à ce manque.

Partiellement, car si ses personnages et son écriture ont pour eux une lumineuse limpidité, ils souffrent grandement de ne jamais se décoller des stéréotypes que convoque cette romance aux accents de Roméo et Juliette. Jamais le récit ne parviendra à nous surprendre où nous amener sur un terrain qui lui soit propre, pire, il n'essaie même pas. Et la narration de dérouler, sans accroc mais sans aisance particulière, une tragédie de l'amour contrarié, des aspirations contraires et des petites vicissitudes délinquantes.

S'il n'est pas interdit de prendre plaisir à explorer les arcanes de Cristo Rey, on ne pourra que regretter le manque d'ambition formelle et narrative de ce trop petit film. Derrière son apparente noirceur éclate une pure et réelle naïveté, touchante par instant mais finalement très pauvre cinématographiquement. Reste l'envie d'aimer le métrage pour ce qu'il est : un premier pas, un quasi-acte de naissance.