The Double : critique vertige

Geoffrey Crété | 12 août 2014 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 12 août 2014 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Révélé en 2010 avec Submarine, un premier film au charme fou, le comédien Richard Ayoade adapte Dostoïevski dans une odyssée kafkaïenne glaciale. Naissance d'un grand cinéaste ?

Des les premières minutes se dégage le curieux sentiment d'assister à une farce sinistre - de celles où l'on hésite entre le rire gêné ou l'inconfort assumé, la faute à un monde d'abord absurde puis terrifiant lorsqu'il révèle, ça et là, sa nature diabolique. Il y a du Brazil dans les décors absolument déments, bric-à-brac irrésistible et farfelu recouvert de poussière et de témoins lumineux, mais aussi, dans le ballet irréel de ces personnages livrés à eux-mêmes, noyés dans une réalité privée de sens commun, une énergie qui rappelle les frères Coen. On entre donc dans The Double comme dans un rêve à moitié éveillé : avec la conviction que quelque chose cloche, sans parvenir à saisir s'il va virer au cauchemar.

 

photo, Jesse Eisenberg

  

Richard Ayoade, hier acteur dans la très bonne sitcom britannique The IT Crowd, a été épinglé dès ses premiers pas derrière la caméra, avec la belle comédie dramatique Submarine, pour son univers décalé à la Wes Anderson. The Double, s'il n'évitera pas non plus les comparaisons, confirmera pour de bon son identité de cinéaste. Rétro-futuriste, tragi-comique, son deuxième film marque la naissance définitive d'un metteur en scène fabuleux, qui dévoile une maîtrise phénoménale de l'image et du son, unis pour donner naissance à un univers magnifique et monstrueux, à la fois très théâtral et profondément cinématographique.

Une combinaison détonante, incarnée à la perfection par un Jesse Eisenberg qui excelle à nouveau dans la peau d'un sociopathe. Visage angélique et regard insondable, Mia Wasikowska, au deuxième plan, confirme toute sa valeur dans une performance érotique et glaciale.

 

photo, Jesse Eisenberg

 

Du livre éponyme de Dostoïevski, Richard Ayoade, co-scénariste avec Avi Korine, frère de Harmony, tire une œuvre mystérieuse, mystique presque, qui peine néanmoins à maintenir sa force sur la longueur. Dans un premier temps envoûtant et inquiétant, le scénario, fort d'un premier acte absolument génial, termine ainsi sa course dans l'obscurité - un autre point qui le rapproche de son film-frère Enemy, réalisé par Denis Villeneuve. Qu'importe : le voyage n'en sera pas moins mémorable.

 

Affiche française

Résumé

The Double place définitivement Richard Ayoade comme l'un des cinéastes les plus stimulants de la décennie, entre Terry Gilliam et les frères Coen.

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