Critique : Attila Marcel

Christophe Foltzer | 29 octobre 2013
Christophe Foltzer | 29 octobre 2013

Pour son premier essai dans le « film en prises de vue réelles », Sylvain Chomet a placé la barre très haute. Après un tour de chauffe concluant via l'un des segments de Paris, je t'aime, le voilà qui revient aujourd'hui avec Attila Marcel, un premier long qui, ô bonheur, s'inscrit totalement dans la continuité des Triplettes de Belleville et de L'illusionniste.

Aucune trahison, aucune concession, Chomet est en pleine possession de ses moyens, autant à l'aise avec des acteurs qu'avec ses crayons, avec une facilité déconcertante même, il plie le film live à son univers, et non l'inverse comme on pouvait le craindre. Attila Marcel ou le calvaire de Paul, la trentaine, muet depuis qu'il a assisté à la mort traumatisante de ses parents quand il était encore tout jeune. Pianiste étouffé par ses deux tantes acariâtres, il va partir à la recherche de ses souvenirs sous l'impulsion de sa voisine Madame Proust, une bohémienne un peu fantasque dont le remède-miracle consiste à faire boire des décoctions maison que les amateurs de peyotl ne rechigneraient pas à prendre tout en écoutant une musique spécifique. Evidemment, cette plongée au cœur de ses souvenirs ne se fera pas sans conséquences dans son quotidien.

En résulte un film bouleversant, drôle, inventif et chargé en émotions et en poésie dont on va essayer d'en révéler le moins possible tant il fonctionne aussi sur la surprise et le décalage de ton. Disons simplement ceci : en réalisant son « premier » film, Sylvain Chomet met à l'amende tous les Jean-Pierre Jeunet et autres Michel Gondry actuels. Ici, pas de place à la fausse candeur, au cynisme sucré ou à l'autocitation lourde et gavante, Attila Marcel transpire la création sincère et l'originalité dans le moindre de ses plans. Il faut dire qu'il est aidé dans sa tâche par un casting en tout point parfait. On espère d'ailleurs que ce film fera exploser la carrière de Guillaume Gouix qui habite littéralement le métrage dans un double rôle des plus ardus, jouant à la fois le père et le fils dans deux registres totalement opposés. Il faut le voir camper Paul, dont toutes les émotions passent par le regard et par une gestuelle savamment étudiée, puis passer à Attila Marcel, catcheur à pattes d'éph' popu et un brin bourrin. Gouix est excellent à ce petit jeu et y est pour beaucoup dans l'émotion que peut procurer le film (notamment lors d'un plan final tellement simple et ravageur qu'on se croirait dans du Pixar). Enfin, on ne pouvait pas parler des comédiens sans mentionner Bernadette Lafont dans son dernier rôle, excellente en vieille tante peau de vache, qui semble s'éclater comme c'est pas permis, en plus de former un duo on ne peut plus jouissif avec Hélène Vincent. A ce sujet, une petite surprise attend le spectateur après le générique de fin. Qu'il s'agisse du scénario simple mais efficace (et dont la linéarité pourrait être le gros défaut à reprocher au film) ou de la mise en scène et du déploiement technique pour donner corps aux visions de Chomet, tout le métrage exsude la maturité, la maîtrise et l'amour du cinéma.

Bref, Attila Marcel se vit plus qu'il ne se raconte (attention c'est du Pecha ça ! / NDSG) et on ne peut que se réjouir de l'existence d'un film pareil en pleine sinistrose nationale, en plein déclin de notre cinéma (qui doit bien exister puisqu'on en parle sans cesse. Le déclin, pas le cinéma hein). On serait même tenté de qualifier ce film d'acte de résistance mais ce serait léguer à Sylvain Chomet une très lourde responsabilité dont il ne veut pas forcément (et on le comprendrait). En tout cas, ce film fait un bien fou et on a hâte de voir ce que le réalisateur nous réserve à l'avenir.    

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire