Critique : L'Étrange Couleur des larmes de ton corps

Christophe Foltzer | 11 mars 2014
Christophe Foltzer | 11 mars 2014

Révélé par Amer, le couple Cattet-Forzani poursuit son étude du giallo avec L'Etrange couleur des larmes de ton corps. Derrière ce titre aussi poétique qu'énigmatique, une expérience sensorielle peu fréquente au cinéma, un parti-pris radical et un résultat inédit dans le landernau très fermé du cinéma de genre français.

 

La dernière fois qu'un film avait à ce point secoué son public, c'était pour Enter the void de Gaspar Noé, à qui L'Etrange couleur... emprunte beaucoup dans sa sensibilité et sa volonté de placer son spectateur au centre d'une expérience sensorielle, d'en faire le véritable sujet de son film. Mêlant Art Nouveau, Giallo, trip psychédélique, animation, stop-motion et autres expériences plus ou moins heureuses, le film atteint facilement son but. On en sort un peu perdu, déboussolé, avec cette sensation étrange qui nous interdit de savoir avec certitude si le film nous a plus ou non.

 

  

Un procédé risqué qui serait carrément suicidaire sans la maîtrise formelle du duo de réalisateurs. Pleinement conscients de leurs références et de leurs inspirations (il n'y a qu'à écouter la bande originale, pot-pourri d'hommages au genre), Cattet et Forzani ne jouent jamais la carte de la déférence ou de la soumission aux Maîtres mais entendent bien pousser le médium dans ses derniers retranchements. Faisant volontairement appel à une structure narrative éclatée à l'exact opposé de celle d'Amer, L'Etrange couleur... multiplie les faux-semblants, les ruptures de ton, les trahisons de point de vue et les trous narratifs pour ébranler son spectateur et le faire basculer dans un monde de cauchemar. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ça marche... à condition d'accepter de se plier à l'exercice. Si c'est le cas, le voyage est un exemple parfait de sensations multiples et contradictoires, objet de fascination qui frôle constamment la surcharge, trip érotique et violent autant que beau et désespéré.

 

  

Cet exercice exigeant n'est pour autant pas un modèle de perfection puisque la dernière partie s'éternise un peu trop, menaçant du même coup le film de perdre son spectateur en cours de route. Et ça ne manque pas, à ce moment le métrage arrive à saturation et ne semble plus qu'étirer un même propos, comme si les auteurs craignaient de finir leur histoire sans avoir mis toutes leurs idées. C'est dommage mais, au regard de la grande qualité du reste, on leur pardonne sans peine cette maladresse.  

 

Résumé

Exigeant et unique en son genre, L'Etrange couleur... ne dévoile ses charmes que si l'on accepte de perdre le contrôle. Le voyage s'avère beau et fascinant. Bien qu'un peu trop long.

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commentaires
stanley
29/05/2015 à 14:35

que de bruit autour de ce film ....dont le grand merite est seulement de nous rappeler au souvenir d'un genre qui a eu de beaux moments ...a defaut d'etre un beau moment du genre .....on est quand meme plus dans le film de fin d'année d'etudiant appliqué que dans un giallo (un comble) ..un bel exercice de montage , ou l'on met TOUT...on choisi pas , on balance tout ce qu'on a appris sur "l'icone" du giallo , celui de argento quand il pousse le bouchon pour notre plus grand plaisir ("suspiria" , "inferno" , "les frissons..") plus que dans celui de corbucci ou di leo, ..8000 gros plans de pupille , macro a gogo, la poupée qui passe , le gamin flou , le petit bout de sein , des effets "mirroirs" a n'en plus finir et la maison de style art nouveau (la , encore une fois , seul argento sur 2/3 films )etc....tout ça pour au final pas grand chose et beaucoup de longueur . l'inverse des images au service d'une histoire en fait.....plein d'idée que l'on a essayé de mettre bout a bout avec un petit fil..mais sur 1h41.

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