Critique : Un château en Italie

Sandy Gillet | 28 octobre 2013
Sandy Gillet | 28 octobre 2013

Trois films en dix ans. Valeria Bruni Tedeschi réalisatrice est une denrée rare mais pas forcément recherchée. C'est que ses deux premiers longs ne nous ont pas laissé un souvenir impérissable. Tout juste celui d'un goût d'un cinéma d'auteur peu enclin à sortir des sillons d'une cinéphilie franco-italienne cadenassée. Restait le grain de folie de la Bruni Tedeschi actrice qui à elle seule pouvait bousculer les lignes et donner un peu d'âme et de hauteur à l'ensemble. Avec Un château en Italie, la donne semble n'avoir pas changé d'un iota. On retrouve le même trio à l'écriture (Valeria Bruni Tedeschi, Agnès De Sacy et Noémie Lvovsky), la même musique douce amère des dialogues, Louis Garrel au cast, des aspects autobiographiques et surtout la même mise en scène désuète. Et pourtant, Un château en Italie passe un cap essentiel pour devenir un objet filmique détaché des lourdeurs de son ADN. En cause, une sincérité de ton et une envie de communion avec le public inconnus jusqu'ici.  

Ceci dit, les allergiques au jeu tout en névrose de Tedeschi peuvent encore une fois passer leur chemin tant la sœur à la ville de Carla Bruni est ici dans un pic de forme de malade. Tour à tour irritante, émouvante, blessante, fragile, l'actrice certainement la plus incandescente de sa génération, nous offre une palette dont on a du mal à croire qu'elle soit uniquement de composition. Et puis en face on retrouve le réceptacle à baffes du cinéma français en la personne de Louis Garrel qui devant la caméra de Valéria (sa compagne pendant cinq ans à la ville) se métamorphose en une sorte de démiurge crédible. Ce n'est d'ailleurs pas le seul tour de force d'un film hypocondriaque, socialement malade et suranné qui rend compte à sa manière de la déchéance d'une classe sociale. Celle de la bourgeoisie issue de la Révolution industrielle aussi décrépite que l'aristocratie décrite par Visconti dans Le guépard. Un fil rouge qui va permettre aussi à Valéria et ses deux complices à l'écriture de décrire une famille, pour beaucoup la sienne, frappée par la mort d'un frère atteint du SIDA et de la façon d'y faire face.

Au milieu de ce bestiaire se dresse un Château, autrefois propriété familiale, témoin d'une époque et d'une engeance où la croyance religieuse faisait office de règle de vie essentielle et hypocrite. Un château en Italie c'est donc aussi cela. La mise en bière d'une époque révolue dont les relents nauséabonds sont mis à l'index avec une intelligence burlesque et mélancolique bienvenues. Valeria Bruni Tedeschi, en bouffon lucide d'un roi déchu, y dresse alors une sorte d'état des lieux qui traverse les frontières d'un cinéma jusqu'ici un peu trop sage, conformiste et quelque peu statique. Le renouveau est fragile mais il est patent. Et surtout il mériterait une « suite » qui confirmerait que tout cela n'est pas qu'un séduisant accident de parcours.  

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