Critique : La Maison de la radio

Cédric Le Penru | 29 mars 2013
Cédric Le Penru | 29 mars 2013

Dans la séquence finale de Chronique d'un été, E. Morin et J. Rouch venant d'assister avec leurs héros à la projection de leur film, discutent à bâtons rompus, marchant dans les couloirs déserts du Musée de l'homme. Les deux compères, péripatétiques réalisateurs, à la vue des réactions des protagonistes de leur film dissertent pour savoir où est le vrai dans leur oeuvre, qui a cabotiné ou joué la comédie  : qu'est-ce in fine qu'un cinéma-vérité dans la forme documentaire. Chez Philibert, foin du cabotinage, car son sujet, ce sont les sons (voix, musiques, bruits) et pour les corps qui les émettent (qui sont filmés ici), la vérité est dans la voix ; et la voix ne ment pas pour ceux qui savent l'écouter. Le cinéaste de Être et avoir a posé sa caméra six mois durant dans le château fort radeau-France ; vaisseau corsaire des sons, amarré sur un quai de Seine.

Disons-le sans ambages, le résultat est surprenant, instructif et souvent drolatique ; pas d'un mauvais rire gras, mais d'un rire complice qui vient en se prenant d'empathie pour les artisans invisibles (mis au jour ici)  des antennes hertziennes. Philibert reconstitue, par morceaux espacés dans le temps, 24H virtuelles de la vie d'une antenne. La maison de la radio s'ouvrant aisni sur la matinale de France Inter et sa préparation. La quasi captation obtenue de ces tranches d'émission est paradoxalement très incarnée : on peut ressentir et déceler  dans beaucoup des plans fixes la bienveillante présence du réalisateur, si bien que, parlant pourtant au micro et à leurs interlocuteurs, hommes et femmes de radio ne peuvent souvent s'empêcher d'avoir de furtives oeillades complices à la caméra. Le grand immeuble est comme une autre ville, vivante, posée au milieu de Paris dans laquelle travaillent les compagnons du son.

Et parfois on prend l'air et on sévade, le documentaire s'aère. La caméra s'en va enregistrer des bruits et des  ambiances humaines à l'extérieur. On découvre alors un savoureux enregistrement du Jeu des 1000 euros ou encore un Tour de France quand les édiles d'une ville proposent à la moto de France Info de goûter la production locale de vin : « On a un métier répondent les journalistes » avant de reprendre leur poursuite de la caravane.

La musique classique ou moderne, ce sont aussi des enregistrements : en live pour le Pont des artistes avec des slameurs funky venant contraster visuellement et auditivement avec un heureux et jovial Frédéric Lodéon, tel qu'en lui même, noyé derrière sa pile/Capharnaüm de CD : « Si ma mère était là elle me dirait de ranger » dit avec humour le chef d'orchestre-animateur - « mais je ne peux me séparer d'aucun de ces disques ».

Car ces disques ont une âme. Comme la grande maison d'ailleurs, N. Philibert s'applique à nous le démontrer; souffle vital qui s'introduit par tous les pores de ceux qui y travaillent, dans toutes leurs veines, et aussi pour ceux qui un jour (comme l'auteur de ces lignes, bien modestement), ont eu l'insigne privilège d'y intervenir.
Alors ne ratez pas cette occasion de vous « introduire » en tapinois dans le poste pour être parmi l'armée des ondes, au coeur de la maison ronde.

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