Critique : Sababou

Laure Beaudonnet | 1 mars 2013
Laure Beaudonnet | 1 mars 2013

« Quand nous serons unis, ça va faire mal », chante Tiken Jah Fakoly, artiste d'origine ivoirienne et personnage central de Sababou (providence, ndlr). Le reggae est porteur d'un message au pouvoir fédérateur, à l'image des musiques traditionnelles aux chants efficaces, piliers d'une pensée magique. En Afrique de l'Ouest, les chanteurs de reggae ont une influence sur les jeunes générations. Les paroles, souvent subversives, offrent un espace de liberté dans des sociétés verrouillées, régies par l'omerta. A travers l'engagement politique et artistique de la star mondiale Tiken Jah Fakoly, Samir Benchikh dessine un combat, celui de la démocratie et du développement. Mais pas seulement. Trois autres personnages, Rosine, Diabson, et Michel, lèvent le voile sur les failles de la société ivoirienne et les difficultés quotidiennes.

Ainsi suit-on Rosine, membre de l'ONG Droits des enfants, débattre d'écoles en écoles avec les jeunes et les enseignants sur un nouveau décret censé mettre un terme aux punitions corporelles et aux humiliations. A travers son combat pour faire appliquer la règle, le public s'assoit sur les bancs d'école et découvre une autre mentalité, sans jamais la juger. Car Samir Benchikh se garde bien de laisser transpirer ses opinions. Son objectif témoigne, restitue des mœurs avec une belle humilité. De son côté, Michel, militant de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme, s'échine à ramener un peu de justice en prison. Coupable ou innocent, chaque prisonnier mérite un procès équitable. Le militant part dans le centre carcéral d'Abidjan à la rencontre des prévenus en attente d'un jugement. Chaque visage porte les stigmates de la douleur, de l'incertitude et de la solitude. Certains laissent jaillir des larmes de désespoir.

Vu l'ampleur des enjeux, Sababou aurait presque mérité trois longs métrages, car traiter de la justice, de l'éducation et de l'impact musical en Côte d'Ivoire relève de l'utopie. Chaque segment dépeint une réalité et creuse les solutions, laissant parfois un sentiment d'inachevé. Si le documentaire choral recèle des petites faiblesses de construction - on peine parfois à saisir l'intention -, il séduit pour sa sensibilité. Le personnage de Diabson Tere, chanteur du titre Sababou, justement, offre des séquences poignantes. Pour son premier film, le réalisateur évite l'écueil du misérabilisme condescendant et envoie une invitation gorgée d'espoir pour la Côte d'Ivoire. Merci.

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