Critique : La Fille de nulle part

Cédric Le Penru | 5 février 2013
Cédric Le Penru | 5 février 2013

Jean Claude Brisseau avec très peu d'argent (la recette d'une rediffusion télé de Noce blanche) se lance dans un exercice de reconquête de la pureté originelle du septième art, filmant un quasi huis clos en son appartement. Bref, un film « fait à la maison », au sens propre.

Nous voilà donc face à un objet filmique aux antipodes des productions Europa Corp, de l'idée même que l'on peut se faire de la super production voire de la « nouvelle qualité française » ; façon jeune cinéaste super branchée qui joue de l'OMD en fond sonore. Ici ce sera du Mahler (la cinquième) du début jusqu'à la fin, et c'est sublime ! Combien de films français avons-nous vus l'année dernière où l'excès de moyens semblait n'être là que pour masquer l'indigence du discours et/ou du scénario. La Fille de nulle part en est l'exact contraire : Un manque de moyens au service d'un propos intelligent.

L'argument de départ est pourtant simple : Michel recueille Dora (troublante Virgine Legeay) qui vient de se faire tabasser sur le pas de sa porte, mais la jeune femme est étrange. Méprisant l'avis de son meilleur ami (Claude Morel, médecin d'amitié), ce professeur de mathématiques à la retraite et veuf se met à héberger de manière permanente la demoiselle, pourvue visiblement de pouvoirs quasi surnaturels. Et ça tombe bien l'homme est en train d'écrire un livre sur les croyances.

Malgré la grande faiblesse des outils de captation visuels (caméra DV « bruitant » les zones sombres et à l'étalonnage des couleurs capricieux) et sonores (souffle à tous les étages et yoyo incessant des niveaux), cet opus sait nous frapper de plusieurs chocs visuels au moment des « escapades » fantastiques de l'histoire (un plan façon peinture Renaissance Italienne, un passage très Scary movie). Les digressions de dialogues entre les deux protagonistes (autour de la religion, de la foi, de la Bible) ne sont pas sans rappeler la justesse des longs échanges et apartés chers à Rohmer.

Le jeu d'une sincérité redoutable de la jeune et belle Virginie Legeay vient compenser ce qui apparaît comme certainement la plus mauvaise idée de l'oeuvre : J.C. Brisseau joue lui-même le principal rôle masculin (Michel). La fausseté de sa diction (ainsi que d'étranges blancs entre les mots) laisse cependant place, via l'indolence poétique du dispositif, à une acclimatation presque agréable de l'auditeur. Un peu à la manière des réalisateurs de la Nouvelle Vague qui ne s'appesantissaient pas trop sur l'excellence du jeu mais cherchait à tout prix l'authenticité et la « vérité » des situations, le réalisateur de L'ange noir ne s'encombre pas d'un excès de maniérisme qualitatif. Enfin, la beauté des thèmes évoqués et cette déclaration d'amour aux femmes  (les présentes et les absentes) que nous offre ici le cinéaste laissent le spectateur sur une impression de vraie et belle complétude cinéphile.

Un long-métrage à voir absolument - ne serait ce que pour prouver à tous les nababs du cinéma français que l'on peut faire beaucoup (et bien)... avec (presque) rien.

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