Under the Skin : critique venue d'ailleurs

Geoffrey Crété | 20 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 20 décembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Under the Skin est disponible sur Netflix.

Scarlett Johansson tombée du ciel pour séduire et piéger des hommes : c'est le programme d'Under the Skin de Jonathan Glazer, l'un de films les plus étranges, troublants et hypnotiques de ces dernières années.

LA FEMME QUI VENAIT D'AILLEURS

Lorsque les lumières se sont rallumées après la première projection à Venise, alors que le silence de la salle se remplissait de huées et applaudissements timides, Scarlett Johansson s'est retournée vers son réalisateur Jonathan Glazer. Elle était inquiète, il était ravi : « C'est le plus beau des sons que j'ai entendu de ma vie ».

Difficile donc d'affirmer si Under the skin est une réussite ou un échec. Non pas qu'il se terre dans un tiède entre-deux, mais parce qu'il s'évertue à aller contre son spectateur, à tordre le cou à un vaste champ de conventions auxquelles il se raccroche habituellement à chaque plongée dans une salle obscure. Car après le film de gangsters Sexy Beast et l'exercice hollywoodien rebelle du beau Birth avec Nicole Kidman, soldé par un échec, Jonathan Glazer a choisi de s'enfoncer dans les méandres du cinéma post-moderne, à la croisée des chemins de l'expérimental et de la galerie d'art contemporain.

 

photo, Scarlett JohanssonLa Veuve noire, la vraie

 

Et dès les premiers instants, le choc est palpable : entremêlement d'images abstraites montées sur la musique envoûtante de Mica Levi et la voix entêtante de Scarlett Johansson, l'introduction s'emploie à brouiller les repères, entre le micro d'une naissance biomécanique et le macro d'une rencontre stellaire. Dès lors, Under the skin en appelle plus aux sens qu'aux neurones.

Du blanc immaculé de la première apparition du personnage, au noir abyssal qui accompagne chaque "acte amoureux", en passant par le spectre du rouge boyau et les teintes bleutées du nectar mortel, le film se présente comme un arc-en-ciel sensoriel d'une noblesse rare, une odyssée au-delà du réel qui fonctionne à l'usure pour débarrasser le spectateur de ses attentes face à un synopsis de série Z qui rappelle La Mutante - la répétition des séquences, le visage fermé des comédiens, la quasi absence de dialogues, la froideur de la mise en scène.

 

photo, Scarlett JohanssonLa guerre des sexes

 

VERY BLACK WIDOW

A l'écran, c'est moins la performance de Scarlett Johansson que sa présence qui frappe : une star hollywoodienne qui, entre deux engagements avec Marvel, se singe dans les rues sinistres de Glasgow pour aborder des inconnus, cachée derrière une perruque et une caméra cachée - certains hommes qu'elle accoste sont des passants, avertis après coup du tournage. Ce n'est pas un simple hasard si le premier full frontal de ce fantasme moderne, séquence anti-sexuelle comparable à la découverte de son corps par une enfant précoce, s'offre à l'un des films les plus radical de la décennie. Là réside en partie la beauté du film : se jouer du spectateur sans le moquer.

Under the skin n'offre pas le même type d'expérience qu'un film ordinaire, il n'obtiendra donc pas le même type de réaction : on ressort de la salle moins convaincu qu'on est parvenu à appréhender le film, qu'à s'être laissé posséder par lui. Sans surprise, le refus de se plier aux lois du cinéma moderne donne au film un rythme erratique, la faute aussi à certains éléments abscons comme le motard, vestige du livre où l'héroïne est accompagnée d'un alien masculin, ainsi qu'une deuxième partie presque trop simple pour un objet si opaque.

 

PhotoNe me quitte pas

 

Mais en contrepartie, l'expérience offre une dose d'images vouées à hanter les rêves et cauchemars de chacun, selon les sensibilités : une mystérieuse danse qui amène chaque proie vers sa fin, une excursion aquatique homo-érotique, un bébé sur une plage, un Elephant Man nu dans les herbes, sans oublier la dernière séquence du film, d'une puissance absolument démente, qui brouille tellement les sens qu'il est impossible d'en définir la nature exacte. Le silence mortifère qui s'installe dans la dernière image, dévorée par une clarté démoniaque, laisse alors le champ libre à tous les discours. La vérité est certainement ailleurs, mais le voyage se suffit à lui-même.

 

Affiche

Résumé

Under the Skin aura ses détracteurs, appelés par un film impoli et rude. Mais quiconque se laisse séduire par l'étrange sera envahi d'émotions insoupçonnées, véhiculées par une œuvre infiniment belle et choquante.

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Lecteurs

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commentaires
Hanak
30/10/2021 à 21:30

Franchement c'était pas la oeine de le regarder pour moi.
Une grand partie du film est noir sans image ni vraiement son.
Je me dema'de?

Nicolas9178
23/12/2020 à 11:54

Le meilleur film de Johanson.

Scarlett fait l’unanimité
20/12/2020 à 19:06

Globalement tout le monde est d’accord
Ce film est une tuerie
Pour une fois !!!

C. Ingalls
20/12/2020 à 18:32

La scène de la plage... un de mes plus grand troma cinématographique.

mouais Bof...
20/12/2020 à 17:39

En 3 films seulement avec une période plus ou moins longue entre ces longs metrages,le trop rare Jonathan Glazer montre qu'il est un réalisateur de génie.

Sexy Beast avec le trio Kingsley/Winston/Mcshane est l'un de mes films cultes.

Under the skin n'echappe pas à la regle. Grande pépite d'or. Ce type mérite qu'on le voit plus souvent. Qu'on aime ou non ,il apporte une vision du cinéma malheureusement trop rare.

Un film chelou pour des mecs chelous comme moi.

Nico
20/12/2020 à 17:15

Extrêmement déçu par ce film, je m'attendais à une pépite sensorielle, et malheureusement j'ai plus eu l'impression de me retrouver devant un mauvais film d'étudiant en dernière année de Beaux arts. J'ai malgré tout beaucoup apprécié la dernière séquence.

Ikea
20/12/2020 à 16:16

Un des derniers films vraiment osé que j'ai pu voir. Sans trop savoir pourquoi, il me rappelle le film "Possession" de Zulawski. Peut-être ce rapport à l'altérité, cette sensation d'être face à une oeuvre qui ne s'embête pas à s'expliquer et qui, malgré tout, possède lors de sa vision. Bref, une expérience de cinéma, maladroite et (car ?) jusqu’au-boutiste, mais qui m'a rappelé pourquoi j'aime ce médium.

Matrix r
20/12/2020 à 15:22

Je m'en vais palper les sites streaming

Birdy
20/12/2020 à 14:32

Bon OK je me le fais, j'avoue avoir fait le flemmard au moment de choisir parmi les affiches. Comme quoi on finit par se standardiser, y a 20 ans il aurait été le 1er film ciblé parmi les 20 proposés.

major fatal
20/12/2020 à 14:30

Un film génial...........Enfin un film sur la différence total qui existe avec l'extraterrestre.

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