Spring Breakers : Critique

Patrick Antona | 6 mars 2013
Patrick Antona | 6 mars 2013

Phénomène culturel typiquement américain qui voit débouler des hordes d’étudiants et d’étudiantes sur les plages tropicales à la fin de l’hiver pour se lancer dans des bacchanales fortement alcoolisées, le spring break est devenu le rite de passage obligatoire de cette jeunesse en mal de sensations depuis qu’il a été mis en scène par MTV, exploité par les publicitaires qui ciblent la jeunesse ainsi que par quelques gros pervers tel Joe Francis et sa série vidéo des Girls Gone Wild. Harmony Korine, qui avait réussi autrefois des œuvres aux confins du réalisme et de l’expérimental (Julien Donkey-boy, Gummo), semblait être le personnage qui réussirait à faire exploser cette vision pervertie et biaisée de la post-adolescence (ou du début de l’adulescence) pour en extraire son artificialité et la faire rejaillir comme une critique de notre société actuelle.

 

 

L'illusion dure le temps d'une première partie avec une approche sensitive et sociale avec ces quatre nymphettes (Faith, Brit, Candy et Cotty) en quête de sensations fortes et voulant fuire leur triste quotidien. Mais déjà un premier accroc se manifeste avec une tendance à la pose moralisatrice en tentant de faire de nos jolies donzelles des victimes du virtuel: "C'est comme un jeu-vidéo" comme leitmotiv du casse du fast-food censer financer leur escapade. Bref passons. Et quand il s'agit de décrire la quête de plaisir de nos bikinis girls, on retombe bien vite dans le déjà-vu avec cette étalage de chair nubile, d'alcool et de crétinerie digne d'une soirée sur TF1, rehaussé il est vrai par une superbe photo de Benoît Dubie, chef op habituel de Gaspard Noé.

Reste que l'on s'ennuie ferme, un peu comme dans une fête où l'on a été trainé de force. Harmony Korine se rendant compte de l'impasse dans laquelle il s'est fourré, nous sort l'argument too much qui devrait enfin dynamiter son film : Alien, le gangsta-rappeur déglingué du coin. Ce dernier va s'enticher on ne sait pourquoi de ces petites désoeuvrées et devenir le révélateur de leurs pulsions les plus refoulées voire criminelles. Si nous avons droit à un show réjouissant de James Franco en totale roue libre, assénant des sentances zen tout en arborant la panoplie mafieuse et luxueuse qui convient, c'est au détriment total du scénario et surtout du devenir de nos lolitas reléguées au second plan.

 

 

Et pour ce qui est du soufre, c'est à un érotisme bien tiède auquel nous sommes conviés, avec une utilisation d'effets de mise en scène et de montage voulus choc mais qui sonnent bien toc. Harmony Korine hésite entre une esthétique pub (d'où son succès manifeste en cover de nombreux magazines de mode et de pseudo-journalisme) et une vision phantasmatique de la violence, violence qui sera bien escamotée au final à notre grand désarroi.

Plus à l'aise lorsqu'il suit le destin de marginaux comme dans Gummo ou Mister Lonely, Harmony Korine n'est parvenu qu'à nous agacer avec sa peinture du vide  psychologique de ces "beauty freaks" alors que l'on était plus en droit d'avoir un point de vue sincère et concret sur le désert affectif qui guette cette jeune génération. Le cinéaste rate totalement sa cible, ne contentant ni le penchant juvénile ni le mature qui sommeille en chaque spectateur. Mais les fans hardcore de Selena Gomez peuvent être rassurés, c'est elle la "good girl" de la portée...

 

 

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