Critique : Les Enfants de Belle Ville

Laure Beaudonnet | 11 juillet 2012
Laure Beaudonnet | 11 juillet 2012

Une Séparation et ses nombreux prix (Ours d'Or, César du meilleur film étranger, Oscar du meilleur film en langue étrangère) avaient propulsé le réalisateur iranien, Asghar Farhadi, au rang des cinéastes à suivre. Surtout que son film précédent, A propos d'Elly, avait lui aussi connu un succès critique en 2009. Devant la sortie tardive de son deuxième long-métrage Les Enfants de Belle Ville, réalisé en 2004, il était raisonnable de soupçonner une pointe d'opportunisme dans l'entreprise. Une crainte vite dissipée par la force de cette histoire d'amour sur fond de dérives judiciaires iraniennes (l'un des sujets de prédilection du réalisateur). Fêtant ses 18 bougies, le condamné à mort Akbar a atteint l'âge légal de mourir, sauf si le père de sa victime accepte de lui pardonner. Pour mettre toutes les chances de son côté, son ancien co-détenu A'la et sa sœur Firouzeh s'allient pour tenter d'obtenir le pardon du plaignant. Une romance naîtra de cette quête acharnée.

Dans un pays où les textes religieux font loi, la justice est truffée de contradictions. Le cinéaste levait déjà le voile sur certaines incohérences du système judiciaire en Iran dans son magnifique Une séparation. Ici, il dessine les traits de son absurdité. Le principe même d'une justice impartiale impose d'exclure la victime du processus décisionnel. En Iran, il est aux commandes. Il peut épargner ou exécuter le condamné, suivant la loi du Talion. Dans le film, le vieillard devra tout de même s'acquitter du "prix du sang" car la vie d'un homme vaut le double de celle d'une femme. Il ne reste donc qu'un moyen pour les proches du détenu : faire céder le bougon. Et tous les procédés sont bons : cadeaux, supplication, culpabilisation, pots de vin... Les enchères montent vite, malheureusement.

Asghar Farhadi questionne la morale sociale en se gardant d'émettre des jugements. Au public de se construire sa propre opinion. A travers l'exposition des différents points de vue, il souligne l'égoïsme structurel de l'homme. Toute démarche, aussi louable soit-elle, est corrompue par la chair et le désir. Comme dans un laboratoire, le cinéaste analyse les comportements de ses personnages, les confrontant à des dilemmes de plus en plus importants. Peut-on vraiment choisir le bonheur d'autrui au détriment du sien ? Quel que soit le chemin emprunté par A'la et Firouzeh, l'issue est déchirante. Comme une histoire dont les fondations seraient viciées depuis le début. 

Pour un second opus, Les Enfants de Belle Ville est étonnant de virtuosité. Le réalisateur témoigne des horreurs du quotidien générées par un système verrouillé. Un drame classique qui renoue avec les plus belles tragédies. Quoi de plus romantique qu'un amour impossible ?

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