Dans la maison : critique intrusion

Melissa Blanco | 4 avril 2017 - MAJ : 27/09/2023 11:59
Melissa Blanco | 4 avril 2017 - MAJ : 27/09/2023 11:59

On connaît le goût de François Ozon pour passer, d'un film à un autre, d'un genre à son contraire. Après une Potiche savoureusement old school, le cinéaste polygraphe retrouve un univers plutôt familier, explorant dans la veine de Swimming Pool le rapport dominant-dominé. 

Claude n'a que 16 ans et un don certain pour le drame et l'écriture. Obsédé par la notion de « normalité », le jeune homme se met en tête d'explorer les dessous de la famille d'un camarade de classe. Que se cache t-il derrière les murs un peu trop blancs de son pavillon de banlieue avec jardin ? Et le garçon alors de relater ses découvertes dans des rédactions destinées à son professeur de français, entrainant avec lui l'enseignant dont la curiosité et l'avidité risqueraient bien de causer la perte.

 

 

 

Adapté de la pièce Le garçon du dernier rang du dramaturge espagnol Juan Mayorga, François Ozon revendique la théâtralité de son matériel original. Comme si, tout d'un coup, il suffisait d'abattre une simple cloison pour faire d'une maison une scène de théâtre dont le monde extérieur serait désormais le spectateur. Si le dispositif n'est pas neuf, le rejeton d'Hitchcock ne semble pour autant pas s'en cacher. Sauf que que Claude lui n'est pas immobilisé et invite, à l'inverse de James Stewart dans Fenêtre sur cour, les spectateurs à visiter les lieux du crime. Le cinéaste lorgnant alors vers le Théorème de Pier Paolo Pasolini, filmant les conséquences de cette intrusion d'un corps étranger au sein d'un foyer ordonné.

 

 

 

C'est pourtant moins les répercussions sur cette famille lambda que sur celle du professeur qui intéresse François Ozon. Si Claude souhaite assouvir ses désirs, il a surtout envie d'une audience, faisant de Germain à la fois la victime et le moteur de ce jeu délicieusement malsain. Le cinéaste retranscrit ainsi à l'écran les visions fantasmées des lectures de cet enseignant aigri, dont l'intérêt et la curiosité poussent toujours un peu plus l'élève dans sa démarche. Mais jusqu'où ? Quelle est la limite ?

 

 

Résumé

Puisant aussi bien du côté de l'univers de Brian de Palma que de Rainer W. Fassbinder, le cinéaste livre un film à la réjouissante perversité où il est difficile de savoir qui est le bourreau et la victime. A moins que tout cela ne soit finalement l'unique responsabilité du spectateur-voyeur, bien trop intéressé par la suite des événements. François Ozon à son meilleur.

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commentaires
Flo
10/08/2023 à 13:14

Dans ta face !
François Ozon, adaptant une pièce espagnol… toujours un drôle de Kamoulox ? Non car il reste dans un de ses domaines de prédilection, le thriller sexué pervers et invasif.
Mais on a surtout droit à un grand film (paradoxalement sobre et feutré) sur le pouvoir de la narration et de la croyance, convoquant la conscience de quasiment tous les grands récits écrits dans l’Histoire, jusqu’aux mythes (Œdipiens). Même si une poignée est citée, parmis les plus connus (Flaubert ou Dostoïevski), on sent qu’il est question là dedans de méthodes communes à tous les types d’auteurs, pour raconter une fiction à partir d’éléments réels, avec talent, pour mieux s’immerger dedans…
Littéralement, ou métaphoriquement. D’où le rapport avec le thriller invasif, jusqu’à explicitement citer Pasolini.
Justement, ce nouveau Théorème prend en compte aussi bien le côté malsain, ou du moins hors des normes imposées par la morale du moment… Que le côté insolite et surréaliste, qui donne aussi envie de rire de la situation, et pas uniquement nerveusement.

Donc des cinéastes particuliers se retrouvent également cités là dedans (un peu de Bunuel ?), mais peut-être que Hitchcock sera la meilleure référence à retenir. Parce-qu’il y a bien un côté ludique dans ce film, à rebondir d’une idée à l’autre appartenant à la conscience collective – Fabrice Luchini, faisant indirectement le lien avec « P.R.O.F.S. » et ses spectacles seuls en scène… et se faisant assomer par une grosse édition de Voyage au bout de la nuit (!)…
Parce-que le thème du double dostoïevskien – deux Rafa, deux femmes frustrées aux formes sourcilières proches, deux démiurges manipulateurs – peut lui-même se faire détourner de manière comique, lorsque intervient Yolande Moreau en jumelles plus dignes des Dupont et Dupond…
Parce-qu’il est aussi question de lutte des classes, aussi bien sociales que intellectuelles, mais où le plus malin n’est jamais là où on le croit…
Parce-qu’on a beau prendre plaisir à se perdre dans ce labyrinthe des sentiments, l’auteur finit toutefois par nous donner de vraies réponses, désamorçant ces situations périlleuses, comme si rien de grave ne pouvait arriver. Le public a eu un peu peur, mais ouf ! après c’est terminé. Ce n’était que du Cinéma, du faux, et ça n’ira jamais plus loin qu’un certain pathétisme (très français, pour le coup).

Quoique… Avec une fin, qui survient là où « Fenêtre sur cour » commençait, c’est comme si le film nous confirmait que les récits intéressants existent par eux-mêmes… Et que nous autres simples mortels en sommes les esclaves, acteurs ou bien spectateurs accrocs.
Bref, par quelques bouts qu’on le prenne, que ce soit de façon passive ou active, ce film arrive à nous entraîner dans une myriade de directions sans être pris en défaut un seul instant. Ahuuurissant !

Dirty Harry
04/04/2018 à 22:35

Un des excellents films français un peu méta, très joueur avec le spectateur, jubilatoire et très bien écrit. Je n'aurais plus la meme sensation devant l'odeur si particulière des femmes de la classe moyenne...

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