Critique : Quand souffle le vent

Nicolas Thys | 11 juin 2012
Nicolas Thys | 11 juin 2012

Attention, ce dessin animé n'est pas pour les enfants. Au pire, les plus petits pourront s'amuser de quelques jolis et amusants dessins qui bougent, sans comprendre vraiment l'histoire. Les apparences peuvent être trompeuses, et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles le film fonctionne si bien. Un design enfantin, rond mais un peu cabossé, des couleurs aux teintes plutôt chaudes et chatoyantes, des personnages qui se meuvent, doucement mais sûrement, d'un pas ni trop humain, ni trop inhumain. Et surtout, une innocence dans les propos qui prête à sourire... au début.

Car When the wind blows est certainement l'un des films d'animation les plus sombres, les plus tragiques et les plus durs, sans toutefois être physiquement violent si on oublie les métamorphoses maladives des corps, qu'il nous ait été donné de voir. Et surtout, il est très bavard. Trop pourrait-on dire, mais les paroles sont synonymes de vie, comme si pour se prouver qu'ils sont encore vivants, pour se protéger du monde, les protagonistes devaient parler à tout prix. Ce film ne parle que de la mort, d'une vie qu'on tente de préserver alors qu'elle ne fait que fuir, de l'horreur de l'homme, de la société et de la guerre, de la précédente et de celle à venir.

Deux personnes à la retraite dans un petit cottage du Sussex vivent en toute simplicité, comme de grands enfants, mais ils sont perdus entre un futur proche qu'ils imaginent mal et un passé dont ils n'ont plus conscience, imaginant la guerre comme un simple divertissement. Puis un bombardement. Et voilà, tout est fini. Enfin presque.

L'animation hybride de Jimmy T. Murakami, nominé à l'oscar en 1968 pour The Magic pear tree, est idéale ici. On passe d'un  type de dessin animé à un autre, d'images d'archives à des images composites, d'éléments réalistes à des séquences oniriques et poétiques. Le monde est parasité, contaminé et cette contamination s'intégre à la forme même du film comme pour en détruire l'essence comme le nucléaire détruit l'environnement. Voir, par exemple, les scènes après le bombardement où les personnages animés gravitent dans un monde de papiers collés, ou encore ces mouvements de caméra étranges qui modifient les angles brusquement à même le dessin, et l'atmosphère extérieure étouffante et bleue.

Cette œuvre bouleversante pourra paraître un peu désuète et son maniérisme un peu voyant. Mais le discours reste actuel et on est toujours emporté dans cette histoire simple et d'autant plus cruelle que son innocence est une promesse de paix et que le cinéaste ne nous offre qu'une décomposition totale des corps et du monde.

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