Critique : Adieu Berthe - L'enterrement de mémé

Sandy Gillet | 18 juin 2012
Sandy Gillet | 18 juin 2012

Les frères Podalydès nous reviennent en très grande forme avec cet Adieu Berthe qui fit d'ailleurs un passage remarqué à la Quinzaine à Cannoise de cette année. C'est bien simple on est revenu au niveau de leurs premiers films que furent Versailles rive gauche (en fait un moyen métrage) et surtout Dieu seul me voit. Non que ce qui ait suivi soit à jeter aux orties, bien au contraire, mais il était évident que quels que soient les qualités indéniables des Liberté Oléron et autres adaptations des aventures de Rouletabille, il manquait un « je ne sais quoi » qui leur aurait permis d'accéder eux-aussi au panthéon de ces œuvres qui marquent une génération. Il est tout aussi indiscutable que le résultat mi-figue mi-raisin de Bancs publics, dernière association en date et film bien trop chorale pour n'en garder qu'un souvenir anecdotique, aura porté ses fruits. Adieu Berthe propose en effet un resserrement de son bestiaire au sein d'une histoire à l'ADN en mutation perpétuelle.

C'est d'ailleurs là qu'intervient l'apport du temps. De celui qui amène la maturité et la réflexion sur une œuvre qui semble avancer par à-coups mais qui en fait est d'une étonnante fidélité dans ses inspirations et ses obsessions tant thématiques que visuelles. On retrouve ainsi tout l'onirisme poétique d'une mise en scène qui fait toujours la part belle à une imagerie en apparence sans fard mais qui permet aux mots de toujours faire mouche et au burlesque de faire irruption sans crier gare. Et puis il y a toujours ces morceaux de bravoure comme ici la visite des pompes funèbres, les biens nommés « Définitif », aussi hilarante qu'extrêmement bien vue où l'on choisit un cercueil à la façon d'un Tom Cruise dans Minority report. On en oublierait même qu'il s'agit ici d'enterrer mémé (le sous-titre du film au demeurant). De celle dont on avait pratiquement oublié l'existence et qui donne finalement un sens à la vie d'Armand (Denis Podalydès qui s'est écrit un rôle à la mesure de son immense talent) partagé entre sa maîtresse (Valérie Lemercier épatante comme de coutume) et sa femme qu'il aime encore mais à qui il a tout avoué (Isabelle Candelier sans qui l'univers des Podalydès ne serait plus tout à fait le même). Une histoire de vie et de mort en quelque sorte traitée par le haut sans pathos ni trompette mais qui sonne tout le temps juste.

Un exercice de pur équilibriste qui n'omet pas pour autant de laisser vivre les personnages secondaires, voire les silhouettes familières qui donnent du sens ou une simple inspiration métronomique. Difficile de ne pas être sous le charme et de ne pas adhérer immédiatement à cette invitation qui à sa façon distille une très belle réflexion sur la transmission, le repli sur soi de notre société et de la difficulté de faire son deuil de la/sa vie. Touchant, brillant et magique.

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