Critique : The Central Park five

Simon Riaux | 27 mai 2012
Simon Riaux | 27 mai 2012
Les documentaires pénitenciers et/ou judiciaires sont un genre à part entière largement arpenté par le cinéma américain, et qui offre aux auteurs une matrice des plus riches, pour qui entend ausculter certains maux d'une Amérique qui a décidément bien du mal à exorciser ses vieux démons. The Central park five ne fait pas exception et s'inscrit parfaitement dans cette logique, mais investit la démarche avec brio, grâce aux efforts conjugués de Ken Burns, David MacMahon et Sarah Burns, auteure d'un livre édifiant sur l'affaire ici décortiquée.

Une affaire qui fit durant plusieurs semaines la joie des unes américaines, trop heureuses de pouvoir se repaître d'un fait divers sordide à peu de frais. Nous sommes alors en 1989, New York est en proie à une crise sans précédent, tandis que la criminalité connaît une véritable explosion. C'est dans ce contexte que le viol et le meurtre sauvage d'une joggueuse en plein Central Park, lieu d'ordinaire préservé de ce type de crimes, va déclencher un raout médiatique sans précédent, lequel accompagnera main dans la main une erreur judiciaire aussi terrible que révélatrice des failles d'une société dont les vieux tropismes racialistes sont encore vivaces. Cinq jeunes vont se retrouver accusés du crime, au seul motif de leur couleur de peau, et de leur possible présence à proximité de la scène de crime.

Les tenants et aboutissants de cette affaire complexe à forte résonance sociale sont parfaitement exposés par le trio de réalisateurs. Ils explorent le passé et le milieu des différents protagonistes avec précision et intelligence, sans jamais verser dans le pathos ou le misérabilisme, avant de s'attaquer au fonctionnement irrationnel d'une police et d'une justice totalement aveugle. On découvrira donc avec une limpidité terrifiante comment cinq gamins ont été quasiment torturés, maintenus sous pression, ainsi que leurs familles pendant une trentaine d'heures. Les adolescents finiront par avouer. Que leur témoignages soient tous contradictoires, que la topographie du parc rende impossible leur présence, et (fait tout bonnement sidérant) que l'ADN retrouvé sur le corps de la victime soit un autre que le leur n'arrêtera à aucun moment le léviathan de la justice, qui les condamnera sans s'inquiéter un instant de la légitimité d'une telle décision.

Le film se prolonge jusqu'à la réhabilitation des supposés coupables, près d'une décennie après leur jugement initial, et sur les ravages causés par une décision que la presse n'interrogea jamais. On est impressionné par le rythme, la tenue et le style du métrage, une prouesse au vu de son choix de n'utiliser que des images d'archives ou d'entretiens avec les cinq protagonistes. Et bien que le sujet, purement américain, puisse sembler hermétique au spectateur français, ce dernier devrait être rassuré aussitôt les lumières éteintes, tant l'ensemble est d'une pédagogie et d'une clarté appréciable. Enfin, l'intérêt de la chose, tout à fait universel ou compatible avec les faiblesse de notre propre système judiciaire), est de prouver que quelques soient les avancées techniques et d'expertise, l'aveuglement d'un petit nombre de responsables peut faire basculer même une affaire extrêmement simple dans l'horreur la plus absolue.

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