Critique : Tue-moi

Melissa Blanco | 24 avril 2012
Melissa Blanco | 24 avril 2012

Le proverbe algérien « Fais moi vivre aujourd'hui et tue-moi demain » résume bien l'idée du nouveau film d'Emily Atef, illustrant l'urgence de son personnage principal, Adèle (Maria Dragus), une jeune adolescente coincée dans une vie dont elle ne veut plus. Fille d'un couple d'agriculteurs, elle aide quotidiennement ses parents à la ferme et subit malgré sa bonne volonté les foudres de son père. Jusqu'au jour où un prisonnier fraîchement évadé trouve refuge chez elle. Adèle y voit alors une porte de sortie et lui propose un marché : elle l'aidera à s'enfuir à condition qu'il la tue. Un étrange pacte que ne peut refuser Timo (Roeland Wiesnekker), bien trop soucieux de conserver sa liberté. Commence alors le récit d'une cavale à travers l'Allemagne et la France où la fuite des amants chers au cinéma (de Bonnie and Clyde à La Balade sauvage) prendrait cette fois-ci la forme d'un kidnapping consenti.

Au premier abord, on ne sait pas grand chose des protagonistes de Tue-moi, de quoi surprendre pour un road movie à deux personnages. La réalisatrice fait le choix d'évincer les présentations pour mieux nous plonger in media res au cœur de l'action. Pourchassés par la police, Timo et Adèle tentent de rejoindre Marseille à pied, par des chemins toujours plus isolés. C'est sur la route qu'ils se dévoileront progressivement, trouvant en l'autre une oreille attentive. Car Tue-moi, c'est avant tout l'histoire d'une amitié improbable entre deux écorchés. Si on peine à croire au désir de mort de l'héroïne, c'est que l'on devine facilement la suite des événements : Adèle retrouvera goût à la vie au contact de Timo, du danger et de l'excitation de la situation. Il y a évidemment beaucoup de ça dans Tue-moi mais pas que.

Par l'inversion constante des rôles - on ne sait jamais vraiment qui kidnappe qui, Emily Atef fait naître une jolie tendresse pour ses personnages, chacun victime et bourreau d'une situation qui les dépasse. Et de capter alors la transformation progressive d'Adèle par de simples instants (prendre un taxi, une courte partie de foot), comme si, tout d'un coup, loin de chez elle et malgré la réalité de la situation, redevenir une ado ordinaire était enfin possible. Il y a ainsi chez Emily Atef la volonté de passer par d'autres formes - le road movie, le polar - pour mieux dresser en parallèle un portrait d'adolescent à la dérive où l'espoir se trouverait au bout d'une aventure humaine des plus extrêmes. Sortir de l'obscurité pour atteindre la lumière, à l'image même du film, une traversée sombre à travers les forêts allemandes jusqu'aux falaises gorgées de soleil de la baie de Marseille.

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