Critique : Du vent dans mes mollets

Sandy Gillet | 22 août 2012
Sandy Gillet | 22 août 2012

Mine de rien, filmer à hauteur d'enfants n'est pas donné à tout le monde et surtout cela ne s'improvise pas. Carine Tardieu avait d'ailleurs, avant d'aborder ce Vent dans les mollets, tâté un peu de la guibolle mais plus ado, avec La tête de maman. L'histoire d'une presque jeune femme qui se met en tête de redonner le sourire à sa mère qui semble l'avoir perdu avec la disparition de son amour de jeunesse. C'était tendre et cruel (comme un ado), réalisé avec beaucoup d'aplomb teinté de naïveté (comme un ado) et surtout saupoudré d'un cast faisant remarquablement corps avec le récit. Un premier long qui mettait la barre assez haut en quelque sorte mais que Du vent dans mes mollets dépasse assez brillamment établissant ainsi une nouvelle marque plus que remarquable.

Difficile au demeurant d'analyser avec précision cette réussite tant les raisons en sont multiples et surtout s'imbriquent subtilement dans une sorte de maelstrom d'impressions, d'images et de couleurs identifiables et invisibles à la fois. En essayant d'en donner quelques clés de ressentis on dira qu'il y a d'abord et surtout ce couple d'enfants, Rachel et Valérie, que rien ne prédisposait à devenir les meilleures amies du monde. Rachel est gavée d'amour et de boulettes de viande par sa mère juive interprétée par une Agnès Jaoui méconnaissable physiquement et à la justesse de jeu comme souvent incroyable. Quant à son père (Denis Podalydès dont on ne dira jamais assez que son talent est immense), lecteur assidu du Monde, il tombe progressivement sous le charme de la maman de Valérie (craquante Isabelle Carré), femme libre et élevant seul et un peu l'emporte-pièce ses deux enfants (on est en 1981). Les seconds rôles ne sont pas oubliés. On pense surtout à Isabella Rossellini, étonnante et prégnante en psy que Rachel va voir parce que sa mère ne comprend pas pourquoi sa fille dort toute habillée et avec son cartable la veille de la rentrée scolaire.

La caméra de Carine Tardieu virevolte, s'en donne à cœur joie au sein de tous ces personnages et de cette histoire qu'elle a adaptée d'un roman de Raphaële Moussafir (lui-même une adaptation d'une pièce de théâtre qu'elle avait écrite et dont elle interprétait tous les rôles sur scène) au titre éponyme. Les dialogues fusent et sonnent juste. C'est drôle, souvent touchant, grave sur la fin et porté par une dynamique jamais démentie. Mais tout ceci ne serait rien finalement sans le regard d'une tendresse infinie que porte la réalisatrice à l'égard des ces deux enfants de neuf ans. Il faut revenir à L'argent de poche de Truffaut pour retrouver une telle authenticité dans le ton et une telle évidence dans la mise en scène. Pas de détours fumeux à la morgue auteuriste ici comme on a pu le voir récemment avec L'enfant d'en haut de Ursula Meier. Pas de succédané pseudo réflexif sur la perte de l'innocence façon Tomboy non plus. Juste l'envie fébrile de raconter un épisode de vie débarrassé des scories et des réflexes d'un certain cinéma français qui se regarde un peu trop dans l'œil de la caméra.

C'est bien simple, avec Moonrise kingdom et bientôt Les bêtes du sud sauvage, l'enfance au cinéma passe un cap sous la forme d'une émancipation revendiquée qui n'a jamais été aussi émouvant que cette année. Il serait criminel de passer à côté.

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