Ernest et Célestine : critique rongeuse

Nicolas Thys | 12 juillet 2017 - MAJ : 27/09/2023 11:57
Nicolas Thys | 12 juillet 2017 - MAJ : 27/09/2023 11:57

L'histoire d'Ernest et Célestine, personnages issus de l'imagination de la très discrète écrivaine illustratrice belge Gabrielle Vincent, décédée en 2000, est celle d'un conte de fée, aussi magique que l'est le film.

DANIEL ET BENJAMIN

De son vivant celle-ci a toujours eu peur d'une adaptation. Lorsque ses ayants-droits ont enfin accepté, le producteur, qui avait adoré Cabot-Caboche de Daniel Pennac, a contacté ce dernier pour savoir s'il accepterait d'écrire un scénario sans même savoir qu'il avait été en contact épistolaire avec Gabrielle Vincent pendant une dizaine d'années suite à sa propre lecture de Cabot-caboche. L'idée a très vite germé et le scénario a été écrit.

En même temps, un réalisateur a été trouvé, Benjamin Renner, auteur d'un court-métrage remarqué et récompensé, La Queue de la souris, en 2007. Ce dernier ne se sentant pas de réaliser seul un long-métrage, s'est vu accompagné de deux autres cinéastes à l'univers très marqué : Vincent Patar et Stéphane Aubier, auteurs de Pic Pic et de Panique au village. Le scénario, très développé et axé autour de la rencontre d'Ernest et de Célestine, ajouté à la poésie de Renner et à l'humour sarcastique de Patar et Aubier a simplement abouti à un petit miracle animé.

 

photoErnest et Celestine

 

LA MAGIE ET L'ENCHANTEMENT

Car on trouve de tout dans Ernest et Célestine et c'est simplement un enchantement. Les amoureux de Gabrielle Vincent retrouveront la souris et l'ours dans un graphisme fidèle, bien que légèrement moins radical que dans les livres. Avec ses traits un peu plus ronds et ses formes plus fouillées et propices à l'animation, on retrouve ce qui a fait la magie des livres : une poésie de l'épure, de la simplicité avec des décors que le blanc ou la couleur unique n'effraient pas. Réalisé sous flash, on croirait presque à du dessin traditionnel tant le soin apporté à chaque détail est réussi.

Et donc, nul remplissage intempestif et inutile ici : le vide hivernal des images met en valeur le mouvement des corps, composés de quelques lignes et couleurs simples, et apporte une fluidité incomparable et merveilleuse. C'est le principe même du cinéma d'animation qui au cœur de l'œuvre : le mouvement et ses possibilités à la fois narratives et graphiques jusqu'à cette séquence magnifique, le passage de l'hiver au printemps, dans une joyeuse minute d'animation abstraite qui rappelle les travaux Fischinger ou de Richter.

 

photo

 

Certaines idées sont reprises à d'autres œuvres mais retravaillées de la plus belle des manières, toujours originales, mêlant joie et effroi, comme ce monde du haut, celui des ours, et ce monde du bas, celui des souris, qui s'affrontent ou s'ignorent mais qui se détestent et d'où s'échappent les deux marginaux au cœur de l'histoire. Et cet univers clos, à part, sur une colline, la maison d'Ernest, qui deviendra également le havre de paix de Célestine : il est caché sous des couches de couleur, comme si le film tout entier était sous leur contrôle. Destiné à première vue aux plus petits, il conviendra parfaitement aux tranches d'âge qui rêvent de poésie graphique et cinématographique un tant soit peu originale et folle.

Bien loin des autres longs-métrages d'animation américains, souvent factices à trop vouloir utiliser l'image de synthèse et l'épate numérique à grands coups de performance sans même se demander si une autre technique ne conviendrait pas mieux, Ernest et Célestine offre une nouvelle fois la preuve de l'originalité des studios francophones.

 

 

Résumé

Après des réussites comme Le Jour des corneillesLe Tableau ou Couleur de peau : miel. Ernest et Célestine il clôt l'année 2012 sur un point d'orgue en devenant l'une de ses plus belles réussites.

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