John Carter : Critique

Patrick Antona | 3 mars 2012
Patrick Antona | 3 mars 2012

Depuis le succès d'Avatar, devenu mètre étalon du genre, et la fin de la décevante prélogie Star Wars, on était bien en droit de se demander quelle saga serait à même de réussir la combinaison entre épopée fantastique, SF et fantasy et d'offrir au spectateur un spectacle grandiose et un depaysement exotique propice à exacerber les fantasmes du fan d'aventures. C'est chose faite avec John Carter, production onéreuse de Walt Disney Pictures, réalisé par le transfuge de Pixar Andrew Stanton (Le Monde de Nemo, Wall-E), adaptation quelque peu fidèle de La Princesse de Mars, classique de la littérature issu de l'imagination fertile de Edgar Rice Burroughs, le créateur de Tarzan entre autre.

Et si les quelques extraits diffusés vous laissent à penser que les héritiers de l'oncle Walt courent après le succès des deux sagas précitées en tentant d'y recycler des séquences qui  y font directement référence, vous êtes dans l’erreur. Car non seulement George Lucas et James Cameron ont emprunté leurs idées scénaristiques à tout un pan du cinéma et de la BD en prétendant qu'elles sont  originales, mais ils ont aussi largement puisé dans le Cycle de Mars de ERB et il n'est que justice qu'enfin un auteur, Andrew Stanton (aidé du romancier Michael Chabon) rende honneur de bien belle manière et de façon respectueuse à cette oeuvre fondatrice. Visuellement abouti et crédible, malgré la profusion des effets numériques, l'univers de Mars (ou plutôt Barsoom comme le citent ses indigènes) où évolue l'ex- soldat confédéré John Carter est la première réussite du film. Le choix de tourner en décors naturels et d'y intégrer ensuite des effets CGI donne un relief et une sensation de majesté qui rappelle l'opulence des productions hollywoodiennes d'antan, loin du rendu factice des écrans verts chers à Lucas. C'est ensuite tout un bestiaire varié fabuleux qui prend vie et qui s'anime avec en tête les formidables Tharks, géants guerriers à la peau verte dotés de quatre bras et au tempérament vindicatif et dont l'interaction avec les personnages live relève de la perfection.

 

 

Quant à l'histoire, elle est certes basique, suivant le cursus intiatique du naufragé terrien John Carter (Taylor Kitsch tout en retenue) devant lequel s'ouvre tout l'univers d'une planète agonisante où saffrontent tribus et races antagonistes et qui trouvera sa destinée en rencontrant l'amour avec la splendide princesse de Mars, la brune et troublante Lynn Collins. Si le métrage offre son quota de séquences d'action et de bastons mémorables (batailles aériennes, arène de cirque avec singes géants, poursuite en speeder) et à la lisibilté jubilatoire, Andrew Stanton semble vouloir privilégier l'évolution de la romance entre les deux tourtereaux et le changement d'attitude du terrien, présenté comme un être ombrageux et revêche,qui saura devenir le héros fédérateur faisant basculer l'équilibre géopolitique de la planète rouge. Et par cet effet, Andrew Stanton oublie quelque peu de creuser les autres personnages humainoïdes que va croiser John Carter, comme le tyran Sab Than ou l'allié Kantos Khan, qui apparaissent quelque peu caricaturaux et à la limite de parodie. Même la menace  que devrait inspirer Mark Strong (incarnant Matai Shang, représentant d'une race d'êtres supérieurs omniscients) nous parait bien nébuleuse, même s'il apparait  évident que le mystère entretenu sur les Thengs peut servir de moteur pour des suites à venir, comme le suggère les séquences finales.

 

 

À vouloir faire le grand écart entre le conte philosophique et l'actioner pur, Andrew Stanton peine à dessiner les contours des enjeux complexes qui trouveront leur conclusion dans un final qui pourra apparaître quelque peu expédié mais qui n'en demeure pas moins un moment de bravoure qui réussit le mariage parfait entre SF et sword & sorcery. Même si les différents niveaux de lectures proposés ne sont pas tous correctement explorés, John Carter représente une œuvre ambitieuse, un hybride au carrefour du film de chevalerie, de la fable écologique et du futurisme art-déco et qui réussit sans peine à proposer un dépaysement quasi-totale, qui le rapproche d'Avatar et de son monde de Pandora ou de la Terre du Milieu recréé par Peter Jackson. Autre moif de satisfaction, la composition de Michael Giacchino souligne avec générosité et splendeur les grands moments épiques comme les plus intimistes du film.

 

 

Résumé

Matérialisant avec justesse l'univers imaginé il y a cent ans par Edgar Rice Burroughs, en conservant cette apparence de naïveté rétro et en rendant concret un monde utopique, aidé par des moyens conséquents et des SFX fabuleux, Andrew Stanton réussit son ambitieux pari, même s'il reste quelques scories à évacuer. Et son côté long film d'exposition peut être vu comme la gageure à de nouvelles surprises à venir, matière à enrichir et à être révélées dans une saga qui serait enfin prête à contenter les fans de SF sur grand écran, voir un public plus large encore. 

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Lecteurs

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Flo
21/02/2020 à 14:40

Force est de constater que le film carbure à mort aux références évidentes à toute la culture SF, de chefs d’oeuvres et des séries Z, que les bouquins du "Cycle de Mars" avaient inspiré déjà (Thoris) avant. :-)

-le changement de gravité sur la planète et le héros « capable de bondir par dessus un building », c’est du Superman à mort;
-les aliens à plusieurs bras et de couleur verte, c’est là que ça a commencé donc;
-la téléportation aussi ce serait une invention de Edgar Rice Burrough (et de planète en planète, on retrouve ça dans "Adam Strange").
Et puis il y a des clins d’oeil drôles à d’autres films de SF plus cultes encore (le discours face caméra de Dejah Thoris fait penser à "Dune", le dessus du temple sur la rivière d’Iss a la forme du Faucon Millenium).

Et pour les références non SF, à part "Conan", on retrouve beaucoup de eJosey Whales hors la loi" ainsi que de "Kingdom of Heaven", le guerrier veuf Carter obligé de prendre partie dans une guerre ayant une cause un peu plus juste et la princesse (pas du tout en détresse puisqu’elle sait aussi se battre) s’affirmant comme son alter-ego, pressée par les siens de remplir des devoirs auxquels elle ne croit pas.

Pourquoi alors parler de Malédiction à propos du film?
Peut-être justement parce que comme l’histoire, prenait place d’ailleurs à la fin XIXème siècle, est volontairement très classique (sauf peut-être pour les Therns qui représenteraient le complexe militaro-industriel) ce qui en ressort ce sont de constantes comparaison qui peuvent parasiter le plaisir immédiat du métrage.
A ce jeu on peut y associer les performances d’acteurs qui ont presque tous acquis leur heure de gloire dans les meilleurs séries télé et qui sont ici des révélations ciné pour certains (Taylor « Friday Night Lights » Kitsch, Lynn « True Blood »Collins..), des caricatures pour d’autres (Dominic « The Wire » West) ou bien très sous employés (la triplette de "Rome" Ciaran Hinds, James Purefoy, Polly Walker). Bryan « Breaking Bad »Cranston, lui, reste excellent dans un rôle passant trop vite où on même mettre 2 minutes à le reconnaître.
Et Mark Strong est toujours très « fort »(ha!) bien que ce soit encore un rôle de vilain, qui plus est coincé en position raide. S’il n y prend pas garde un jour, il ne pourra trouver des premiers rôles qu’ à la télé, lui, comme les autres bad guy bitanniques de service Jason Isaac et Sean Bean.

Mais il semble que Andrew Stanton n’aurait jamais pu faire le film qu’il voulait car il est trop « corporate » par rapport à ses collègues de Pixar ("Nemo" et "Wall-e" sont presque plus des Disney movies que des Pixar). Trop tendre et trop fanboy, voir sa réaction épidermique face au final des "Soprano" (« j’ai l’impression que l’auteur me faisait un gros doigt derrière l’écran;
je n’ai rien contre être un peu cryptique, mais là c’est trop cryptique »).
Plus le fait que Disney ne sait plus vendre ses films live Action, sauf quand ce sont leurs propres remakes Disneyens.
Très problématique, il y a ainsi à rajouter à l’échec de "John Carter" une désaffection, surtout critique, des grosses productions live de Disney de l'époque, qui ont souvent un intérêt artistique limité ou confus: voir "Alice au Pays des Merveilles", "Prince of Persia", "Pirates des Caraïbes" et quasiment toutes les prods Bruckeimer ("The Lone Ranger" restant injustement une cata industrielle), "Tron Legacy" etc...
Et ici John Carter qui a été bazardé en Mars avec Zéro promo excitante, et des affiches largement en deçà des illustrations des romans et comics (Frank Frazetta, quelqu’un ?).

Peut-être trop péplum/héroic fantasy, c’est pourquoi cette histoire parait trop lointaine et complexe au contraire des premiers Star Wars se passant à une ère industriel, donc plus proche de nous.
Mais ça ne fait pas de mal un peu de Classicisme et de 1er Degré, quand c'est pas trop mal fait...

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