Critique : Wu ji, la légende des cavaliers du vent

Patrick Antona | 12 mars 2006
Patrick Antona | 12 mars 2006

Face à une affiche qui annonce fièrement le nouveau chef-d'œuvre de Chen Kaige, on ne peut être que circonspect. Et après la vision de Wu Ji, la légende des cavaliers du vent, on peut se permettre de tempérer les excès de zèle de publicitaires trop prompts à user de formules superlatives, à tort pour le film qui nous intéresse.

Après Zhang Yimou avec Hero et Le Secret des poignards volants, voilà qu'un autre réalisateur issu des classes de l'ex-Chine communiste verse dans le wu xia pan survitaminé avec effets spéciaux numériques à gogo et dimension poétique à la clé. Mais à la différence de son prédécesseur, Chen Kaige a foncé tête baissée dans le piège du visuel (virtuel ?) audacieux et de l'imagerie kitsch qui, s'ils habillent certaines séquences d'un souffle mythique et épique bienvenu, enfoncent les autres par un côté graphique qui confine au mauvais goût et renvoie le spectateur au style d'une série B de seconde zone. Et pourtant, le film est présenté comme le plus gros budget du cinéma chinois, avec 35 millions de dollars.

Ce constat est flagrant dès le premier quart d'heure du film avec l'affrontement violent entre barbares et guerriers chinois au look passablement hérité des séries TV japonaises, qui se conclut avec la séquence qui coule (presque) le film, la course effrénée façon « Speedy Gonzales » de l'esclave Kunlun (l'acteur coréen Jang Dong-gun) face à la ruée sauvage de taureaux en furie. Ceux qui s'étaient plaints de la qualité relative de la scène des brontosaures du King Kong de Peter Jackson devront réviser leur jugement en comparant avec la séquence du film de Chen Kaige ! Ce dernier décide d'ailleurs par la suite de mettre un peu le holà au spectaculaire peu abouti, et nous sert une intrigue de drame épique aux relents quelque peu shakespeariens : Kunlun, esclave affranchi, abat le roi, déguisé avec l'armure écarlate du général Guanming (le Japonais Hiroyuki Sanada), permettant au prétendant Wuhuan (la gravure de mode made in HK Nicholas Tse) de prendre le pouvoir tout en semant le trouble dans le cœur de la magnifique princesse Qingcheng (Cecilia Cheung, star montante en Asie).

Si le réalisateur renoue avec une imagerie bien plus en phase avec cette touche asiatique qui fait le charme et l'exotisme du film de genre, il n'arrive jamais à rendre intéressantes les affres de ce triangle amoureux. Seul Hiroyuki Sanada sort du lot avec un jeu caricatural et réjoui. La beauté de Cecilia Cheung ne suffit pas à rendre son personnage sympathique, malgré son trauma initial (la déesse Manshen lui ayant appris, enfant, qu'elle ne connaîtra jamais l'amour). Quant à Jang Dong-gun, pourtant excellent dans Frères de sang - Taegukgi, il campe ici un héros bien fade. L'intrigue se délite alors en fonction d'allers-retours plutôt fastidieux entre les différents protagonistes, malgré les apparitions magiques de la déesse Manshen (Chen Hong) et les agissements de l'ambigu homme de main de Wuhuan's (Liu Ye), et ce jusqu'à l'affrontement final attendu. Mais entre-temps, Chen Kaige retombe à nouveau dans la virtuosité malhabile (et comique !) dans la représentation des voyages temporels effectués à grande vitesse par Kunlun (seul moyen pour lui de trouver une réponse à ses origines), là où une vison onirique aurait été de meilleur aloi.

Wu Ji, la légende des cavaliers du vent (pourquoi ne pas avoir conservé le sous-titre original La Promesse bien plus en accord avec l'intrigue ?) est donc un long-métrage boiteux qui tente de fusionner le film de costumes chinois et le genre comic book qui domine le cinéma d'action occidental, mais n'aboutit de fait qu'à une forme de perversion parodique. On peut être de temps en temps diverti par le look outrageusement coloré de la direction artistique (une mention pour les costumes « flashy » de Nicholas Tse) et par quelques passes d'armes correctement filmées, mais las de le reconnaître, le film de Chen Kaige est raté.

Là où on attendait une œuvre de la tenue de Tigre & dragon ou du Secret des poignards volants, le propos ambitieux de Chen Kaige de vouloir donner vie à une épopée noble aux accents mythologiques se vautre sur les écueils d'une trop grande schématisation des personnages et des effets spéciaux numériques pas complètement maîtrisés.

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