Critique : Guilty of romance

Patrick Antona | 25 juillet 2012
Patrick Antona | 25 juillet 2012

Dernier opus du cycle de Sono Sion consacrée aux déviances de la société japonaise, appelée aussi "trilogie de la haine", après Love Exposure et Cold Fish, Guilty of Romance nous propose sous forme de film-puzzle aux prolongements alambiqués deux portraits de femme ô combien torturés mais néanmoins attachants.

Sous couvert d'une enquête censée découvrir le motif du démembrement "artistique"  de plusieurs victimes, Sono Sion nous brosse d'abord le portrait de Izumi, femme au foyer lambda (Megumi Kagurazaka aux formes affolantes) qui pense découvrir dans la prostitution une voie à l'indépendance et à échapper à son statut d'épouse  japonaise soumise. Cette révélation nous est montrée avec une crudité érotique rappelant le temps des "pinku" des années 70, la beauté de Megumi nous étant révélée sous tous les angles, mais le réalisateur garde une distance critique, voire comique, avec ce spectacle qui ne brouille en rien son message. Car ici le sexe est le moyen qu'à trouver cette esclave moderne de s'affranchir d'une société étouffante qui la cantonne au rôle d'automate. Qui plus est, cette révolte va s'amplifier et prendre un tournant plus inquiétant par sa rencontre avec Mitsuko (Makoto Togashi), professeure tokyoïte qui se mue la nuit en prostituée aux tendances extrêmes. Et le récit de rebondir avec l'enquête policière initiale dont les allers et retours entre présent et passé peuvent brouiller les cartes. Il est toutefois évident que c'est la mise en abîme des passions féminines qui passionne Sono Sion,  et non la résolution de l'intrigue.

Mêlant adroitement l'esthétique du roman-photo au thriller horrifique, s'appuyant sur une narration éclatée qui donne à l'ensemble une patine suréaliste, cette variation de Belle de Jour qui réussit l'exploit d'aller encore plus loin dans la perversion que Buñuel ou Polanski est assurément un des chocs visuels et sensitifs de l'année. S'appuyant sur des performances de comédiennes qui se donnent "corps" et âme avec conviction, Sono Sion expose à nouveau sa fascination pour le malsain et le bizarre mais, au lieu d'une œuvre bassement complaisante, il nous invite à une fable qui tient autant de Lewis Carroll que du Marquis de Sade. Avec Guilty of Romance, le réalisateur japonais nous sert à nouveau un must du genre, troublant, excitant et perturbant à souhait.

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