Critique : Poulet aux prunes

Simon Riaux | 5 septembre 2011
Simon Riaux | 5 septembre 2011
Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud avaient marqué le petit monde de l'animation en adaptant Persepolis. Ce premier succès ne pouvait rester sans suite, tant l'appétit de cinéma qui irriguait leur film appelait logiquement à une nouvelle collaboration. C'est chose faite avec ce Poulet aux prunes, mais pas forcément de la manière que l'on attendait. Après s'être fait un nom dans la bande-dessinée, puis le dessin animé, le duo s'attaque désormais au film live, et si l'animation pointe ici et là le bout de son nez, elle demeure décorative. Pour le meilleur ?

Ce qui frappe immédiatement dans Poulet aux prunes, c'est l'audace de ses auteurs. Non content de devoir gérer pour la première fois des acteurs de chair et d'os, Strapi et Paronnaud ne choisissent pas la facilité en mettant en scène un film d'époque, à l'intrigue éminemment tragique, qui se refuse pourtant à tout pathos et aime à transmettre l'émotion par le rire. Contre toute attente, ces divers éléments s'imbriquent sans accrocs et se répondent harmonieusement, embarquant le spectateur d'un flot de souvenirs, à une discussion tendue sur la politique et la famille, en passant par une parabole sardonique délivrée par un démon interprété par Édouard Baer, délicieux.

Quand la bande-dessinée se transforme souvent en un piège qui sclérose les metteurs en scène, figés par ce pré-découpage qu'ils ne savent comment trahir,  mettent ici à profit leurs travaux passés pour s'autoriser des cadres, des transitions et des éclairages plus surprenants les uns que les autres. Ce métissage de l'image occasionne des séquences marquantes, lors d'un flash-back scolaire, ou l'énumération délirante des possibilités offertes par le suicide, qui parviennent à brasser des influences cinématographiques multiples, entre tendresse, folie graphique et absurde.

Toutefois l'héritage issu de la bande-dessinée est à double tranchant. Les audaces de Satrapi et Paronnaud tombent parfois à plat et endiguent l'émotion, c'est le cas lors d'une des scènes clefs du film, à l'origine du désespoir de Nasser (Mathieu Amalric), beaucoup trop expéditive. Et si globalement les metteurs en scène tirent parti de leur intéressant casting, certains seconds rôles font tiquer, tels le maître violoniste ou les deux personnages interprétés par Jamel Debbouze, qui paraissent en roue libre et nous sortent temporairement du film.

Si ce passage au film live ne se fait pas sans quelques écueils, l'énergie et la richesse du cinéma de Satrapi et Paronnaud s'imposent une nouvelle fois et font de cette adaptation une réussite. Il nous tarde de retrouver ce duo d'artistes complémentaires et téméraires apporter un vent de fraîcheur dans un cinéma français qui en a bien besoin, et l'on espère les retrouver avant longtemps.

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