Oslo, 31 août : Critique

Nicolas Thys | 28 février 2012
Nicolas Thys | 28 février 2012

En 1934, Drieu la Rochelle publie un court roman intitulé Feu follet, qui sera adapté par Louis Malle en 1963 sous le même titre. L'histoire peut être aisément résumée : la vie d'un homme accroc qui finit une cure de désintoxication, et sa vie au cours de la journée qui suit sa sortie, ses rencontres et ses espoirs vains. Sombre et mélancolique, ce type d'histoire est parfait pour le cinéma grâce à son intemporalité et sa simplicité qui permettent à chaque cinéaste de lui apposer son propre style et de se l'approprier. C'est ce que réussit Joachim Trier dans Oslo 31 aout.

Le réalisateur de l'excellent Nouvelle donne reprend ici son acteur principal et s'intéresse non plus à la génération à venir, mais plutôt au désoeuvrement de ceux qui atteignent la trentaine sans avoir rien fait de leur vie. Son personnage est cultivé, loin d'être idiot, simplement paumé, en décalage avec le monde qui l'entoure, comme s'il était resté accroché à ses vingt ans une dizaine d'années de trop, se berçant d'illusions à base de poudres et autres substances. Et le voilà qui se réveile brusquement. Sans savoir quoi faire de sa vie à un âge ou tout le monde est déjà rentré dans un moule.

 

 

Et sa sortie du centre est intimement liée à sa perte. La confrontation avec le réel est impossible car il appartient pas à un ailleurs indéfinissable. Comme si l'endroit qui devait l'aider à se relever ne le préparait pas à affronter l'horreur du monde, mais à y sombrer plus violemment encore.

Le cinéaste propose une oeuvre brute au montage sec et au formalisme minimal, où le paysage semble en totale inadéquation avec le protagoniste, l'un devenant flou quand l'autre est net. Et les rares moments où les deux semblent coller, c'est quand la terre rappelle l'homme à lui : la tentative de suicide au début, ou quand il semble trouver un moyen de se livrer : la discussion avec son ami sur les hauteurs d'Oslo. Pourtant tout est gris : le soleil ne pointe que rarement son nez dans cette ville où il ne peut qu'errer comme s'il la connaissait sans la reconnaitre. Chacune de ses tentatives pour s'insérer dans un lieu tourne à l'échec : les gens le prennent en pitié ou le prennent de haut, refusent de le voir, ou lui rappellent sans le vouloir son inconsistance et les problèmes qu'il a eu. Et surtout, il dérange car il fait miroir et le désespoir enfoui de ceux qu'il croise explose en sa présence.

Mais la monstruosité de cet Oslo 31 août, considéré comme le dernier jour de l'été en Norvège, c'est son aspect cyclique et la progression vaine de notre antihéros. Les derniers plans ne sont qu'une reprise vide des premiers, comme si tout était toujours voué à être répété jusqu'à se vider de toute substance humaine, de tout corps. La vie serait elle vaine et la société le meilleur moyen de sombrer dans le malheur et la dépression ? Ce n'est pas étonnant finalement que, même si le film a été présenté pour la première fois à Cannes en mai 2011, certains ont pu y déceler l'un des symptômes du malaise Norvégien lié aux attaques du mois de juillet. Un anachronisme dans l'air du temps...

 

 

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