Critique : Les Neiges du Kilimandjaro

Simon Riaux | 15 mai 2011
Simon Riaux | 15 mai 2011
On ne présente plus Robert Guédiguian, figure du cinéma engagé hexagonal, premier ambassadeur de Marseille, de sa culture et de son tissu social multiple. Il nous revient donc avec Les Neiges du Kilimandjaro, nouvelle variation sur les thèmes qui traversent toute sa filmographie, en présence des comédiens auxquels il est fidèle depuis maintenant plus d'une dizaine de longs-métrages. Cette cuvée méditerranéenne pousse le discours social plus loin qu'à l'accoutumée, passant allègrement du cinéma engagé au cinéma encarté.

On appréciera de renouer avec la mise en scène du cinéaste, à la fois discrète, brute mais éminemment cinématographique. Si son immuable casting peut agacer, il serait dommage de bouder le plaisir de retrouver Darroussin, Ascaride et Meylan, dans des rôles écrits sur mesure, et qui, est-il nécessaire de le préciser, leur vont à ravir. On reste beaucoup plus circonspect quant à la performance de Grégoire Leprince-Ringuet qui a bien du mal à rendre crédible son personnage.

Reconnaissons qu'il n'est pas aidé par l'écriture du film, ou plus précisément, son idéologie. L'oeuvre de Guédiguian a toujours été éminemment politique, mais l'auteur n'a sans doute jamais poussé aussi loin son discours, transformant certains dialogues en interminables citations de Jaurès. Les comédiens y apparaissent pétrifiés, incapables de jouer un texte qui évoque plus la dissertation d'un militant besogneux de l'UNEF que la verve citoyenne d'un citoyen en révolte.

En jouant à fond la carte de la culpabilité, Guédiguian passe une véritable ligne rouge. Rendez-vous compte innocent spectateur, s'il te venait à l'esprit de porter plainte contre le malheureux qui t'a braqué, molesté, abandonné ligoté dans ta demeure vandalisée, le pauvre pourrait bien ne plus pouvoir subvenir aux besoins des siens. Pire encore, vous le laisseriez aux mains de la police, ces individus cyniques et cruels, toujours prêt à tabasser un suspect, voire de vous prêter diligemment une matraque pour finir le boulot vous-même. Dès lors que l'on choisit de transmettre au public non plus un message mais un véritable tract, se pose le problème de la posture. Hélas, le réalisateur choisit la pire, en nous assénant à coup de massue son intime conviction d'être du côté du bien, comme en témoigne les vingt dernières minutes du film, lénifiantes de manichéisme.

Il n'est pas question ici de critiquer les choix politiques de Robert Guédiguian, totalement légitimes et respectables, mais bien sa volonté quasi totalisante de les présenter comme seule alternative moralement viable. En résulte un film qui prétend donner des leçons alors qu'il s'affranchit (consciemment ?) de beaucoup de réalités. Enfin, en cas d'agression, demandez à Charles Bronson de vous filer un coup de main plutôt qu'à Jean-Pierre Darroussin, il aura au moins la bonne idée d'assurer le spectacle.

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