Les Bien-aimés : Critique

Simon Riaux | 21 mai 2011
Simon Riaux | 21 mai 2011

Le cinéma de Christophe Honoré a tracé une telle ligne de démarcation entre ses partisans et ses adversaires, que rédiger une critique de sa dernière réalisation, Les bien-aimés, peut paraître anachronique, voire purement inutile. On verra cependant que l'oeuvre paraît devoir tenir une place à part dans la filmographie de son auteur, et au vu du contexte dans laquelle nous la découvrons, un sens lui aussi bien particulier.

On est en premier lieu interloqué, et surpris dans le bon sens du terme, par la volonté de Christophe Honoré de donner de l'ampleur à son récit, qui s'étale sur pas loin d'un demi-siècle. Il entreprend, à la bonne heure, de sortir de la chronique parisienne pour s'essayer à la fresque, voire au roman national. Une démarche dont on ne peut nier ni l'ambition, ni la pertinence, surtout de la part d'un artiste souvent catalogué comme l'incarnation même du mortifère bourgeois-bohème, le festivus-festivus intello décrié par Philippe Muray. La curiosité disparaît bien vite, dès lors que le réalisateur use de son large spectre historique pour nous livrer rien moins qu'une compilation des poncifs les plus galvaudés d'un certain cinéma d'auteur.

 

 

La prostituée romantique et libre, l'amant dont l'accent vaut certificat de passion (Kundera quand tu nous tiens), l'enamouré éconduit, l'époux philosophiquement cocu, le triolisme improvisé, on vous en passe et des meilleurs. Bien sûr, ces motifs sont avancés pour faire sens (on y reviendra), mais depuis le tsunami de la nouvelle vague, ces images se sont tout bonnement désincarnées, à force d'infimes et infinies variations, qui n'ont plus aujourd'hui que valeur de répétitions stériles. Certes, le film tente dans sa dernière bobine de rattraper au vol l'imagerie convoquée, rendant soudainement son titre ironique. Point de Bien-aimés ici, mais les enfants d'un amour qui à trop se rêver libre, étreint mal, sinon jamais. Arrivant trop tard, cet éclairage fait hélas figure de posture.

 

Les comédiens ne pourront rien y faire. Catherine Deneuve traverse l'ensemble avec l'implication émotionnelle d'une éternelle guest star, Ludivine Sagnier n'est ici que l'ombre d'elle-même. Quant à Chiara Mastroiani, si son interprétation n'est pas en cause, elle n'a rien d'autre à défendre qu'une nouvelle variation des thèmes fétiches du réalisateur. 

 

 

 

Résumé

En réalité, Les bien-aimés est beaucoup plus qu'un énième pensum auteurisant qui ne trouverait tout simplement pas grâce à nos yeux. Il arrive l'année où murissent plusieurs talents qu'on n'attendait pas. Quand des cinéastes aussi différents que Maïwenn, Pierre Schoeller, ou encore Michel Hazanavicius tracent la voie d'un cinéma où divertissement, réflexion et esthétique relèvent d'une même exigence, le film de Christophe Honoré apparaît sous un triste jour. Plus que daté, il se fige et se révèle pour ce qu'il est, un carnet de voyage aux airs de carte postale jaunie, une oeuvre qui se veut gorgée de vie, mais a tout du certificat de décès.

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