Critique : Les Lyonnais

Laurent Pécha | 30 novembre 2011
Laurent Pécha | 30 novembre 2011

Ce qui frappe en premier lieu avec Les Lyonnais, c'est l'ambition du récit. Suivre les existences tourmentées d'un des plus emblématiques gangs de l'histoire criminelle contemporaine, en passant par leur gloire, leur déchéance, avant de les confronter à une dernière épreuve de force rédemptrice, Olivier Marchal tenait là une histoire et des personnages puissants, une manière de se rapprocher de l'un de ses films de chevet, l'immense Il Était une fois en Amérique de Sergio Leone.  

Si le souffle tragique qui parcoure l'ensemble dès les premières séquences est indiscutable, il laisse place à un sentiment de frustration, qui ira croissant tout le long du visionnage. Les ellipses s'enchaînent à intervalles trop réguliers, certains arcs narratifs s'interrompent sans raison aucune, des personnages parmi les plus importants sont purement et simplement éjectés du récit, ou réapparaissent tels d'improbables deus ex machina. Non pas qu'Olivier Marchal ait perdu le goût des dialogues serrés de Gangsters (bien au contraire), ou l'ampleur de 36, le problème est ailleurs. De l'aveu même du réalisateur (voir notre interview), les soucis de montage sur Les Lyonnais ne datent pas d'hier. La première version du film faisait 3h10 et a été jugée « chiante » par le principal intéressé. Après de nombreux mois passés sur la table de montage et plusieurs équipes mises à contribution, Les Lyonnais a donc pris la forme qu'on lui connait, celle qui privilégie un rythme soutenu (bingo puisque les 1h43 filent très vite) au détriment de la fresque espérée. A la première vision (il est vrai estompé lors d'un second visionnage), le film donne plus d'une fois l'impression d'être face à une longue bande-annonce.

Pourtant, on devine, à travers les restes des séquences mettant en scène la formation du gang et de ses premiers braquages, la conscience historique et politique d'un réalisateur qui souhaitait à l'évidence nous offrir une œuvre somme. Et il suffit parfois d'un regard, d'une envolée de violence (méfiez-vous des boules de pétanque et des cartes de crédit) ou d'un dialogue à couteaux tirés pour filer une bonne banane à l'amateur de polar. D'autant qu'à l'exception d'un Tchéky Karyo frisant trop souvent la caricature, tous les comédiens incarnent à merveille leurs personnages, notamment Gérard Lanvin et ses couilles de gitan et Lionel Astier, qui devient petit à petit l'une des gueules les plus fortes et attachantes du cinéma français.

D'un projet extrêmement (trop ?) ambitieux qui aurait mérité de par sa richesse narrative et thématique un traitement de série, Olivier Marchal parvient à rester fidèle à l'univers déjà très codifié qu'il s'est créé en seulement une petite décennie. Que l'on aime ou pas le bonhomme, on ne peut lui enlever qu'un film de Marchal, ça se reconnaît instantanément. Les Lyonnais ne déroge pas à la règle et puise son inspiration dans ses films et séries antérieurs (Braquo en tête). On comprend mieux l'accouchement difficile qui en a résulté, conscient que s'il y a eu dérapage, c'est avant tout par la faute d'une générosité et sincérité exacerbées. Dans le paysage souvent insipide du polar français, peut-on s'en plaindre ? Non !

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