Critique : Deep end

Nicolas Thys | 23 juin 2011
Nicolas Thys | 23 juin 2011
Deep end c'est d'abord une histoire de couleurs, et on imagine fort bien que le film eut pu s'appeler Deep red, comme le  titre anglais d'un célèbre giallo, dans d'autres circonstances. La première image du générique est une amorce de ce que sera le film dans son ensemble, un enchevêtrement de longs plans, souvent rapprochés, des détails, des individus qui seront absorbés et subsumés par des tâches vives à profusion, rappels d'une atmosphère, d'une époque, d'un lieu.

C'est également un teen movie troublant et dérangeant, finalement loin de ce qu'on nomme généralement ainsi. Le héros a 15 ans, il part travailler. Un lieu non anodin : une piscine et des bains publics. Il se retrouve là où la nudité affleure sans apparaître totalement. Parfois une esquisse de corps, parfois un sein, toujours des images, des sons mais aucune représentation frontale. Juste des fantasmes dans lesquels l'adolescent est pris brusquement, sans trop s'y attendre.

Pas le temps de jouer, tout est déjà sérieux. Question de mariage, d'amour, d'argent, de pouvoir. Et finalement, sous des allures de romances, d'apprentissage, de la légèreté d'un début de vie, c'est une tragédie qui se joue pour cet ado poussé brutalement dans une réalité qui le dépasse, comme dans nombre de films britanniques de la précédente décennie. Il aura grandi trop tôt. Après tout c'est un « mommy's boy » qui aura à peine flirté avant d'être jeté en pâture dans un monde qui le dévore.

Et, dans cet univers, les couleurs entourent les personnages. Le vert délavé et décrépi des murs de la piscine et les teintes blanchâtres des pièces carrelées, tâches perceptibles et peu avenantes, seront bientôt submergées par quelques traces blanches et rouges venues d'un extincteur. Puis elles vont s'intensifier dans une vaste et prémonitoire peinture murale rouge unie. Le monde se reconstruit à mesure des déboires sentimentaux et de l'évolution psychologique d'un personnage qui s'enfonce peu à peu dans une folie amoureuse et destructrice.

Mais Deep end c'est aussi une musique, rock évidemment, du plus traditionnel Cat Stevens au psychédélisme expérimental de Can, et une ambiance : des jaunes des façades aux teintes bleues des rues et magasins. C'est le passage d'un monde normé vers une exagération plastique, visuelle et sonore, d'où n'émergent que confusion des désirs et des sentiments. L'image, le rêve, le fantasme se feront de plus en plus prégnants jusqu'à une scène magistrale dans l'eau où l'adolescent prisonnier d'un bleu sombre, nagera avec l'image de celle qu'il aime et qui deviendra sirène rousse un instant. Scène imaginaire qui sera reprise sous un versant cauchemardesque, plus tard, après une accalmie blanche et douce.

Le récit est davantage plastique et se joue dans une mise en scène d'un maniérisme avoué mais jamais grand-guignolesque. Et le film se crée par petites touches expressives pour mieux absorber le spectateur dans un croissant déluge sensoriel. Et ainsi de transformer une histoire simple en un décorum improbable, unique et angoissant, aussi intense pour les yeux que pour les oreilles.

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