Martha Marcy May Marlene : critique

Laure Beaudonnet | 28 février 2012 - MAJ : 20/11/2018 14:47
Laure Beaudonnet | 28 février 2012 - MAJ : 20/11/2018 14:47

Si "secte" rime avec "religion" dans les esprits - Témoins de Jéovah et autres Scientologues -, Martha Marcy May Marlene s'insinue dans l'univers d'une communauté laïque, mais tout aussi vampirique. Martha, arbitrairement baptisée "Marcy May" par Patrick, le gourou charismatique du groupe, débarque dans cette ferme autosuffisante où personne n'a d'individualité propre. Un monde où chaque femme offre son corps au chef de meute, où l'intimité est dissipée au profit du vivre-ensemble. Une ferme utopique où chaque membre a une fin propre sur le principe de la vertu aristotélicienne. Mais en réalité, chaque jour est une progression vers la perte des fondamentaux de la vie en société. La frontière entre le bien et le mal s'amenuise au fil des démonstrations rhétoriques de Patrick pour justifier des comportements déviants.

 

 

Martha, interprétée par Elizabeth Olsen (la sœur de Mary-Kate et Ashley), parvient à se libérer du groupuscule et trouve réconfort chez sa sœur aînée Lucy. Choquée, elle adopte un comportement de plus en plus inquiétant et désocialisé. Le film se construit sur l'intervention de réminiscences de son expérience rurale traumatique, Martha étant persuadée que la communauté la pourchasse. L'usage des résurgences crée une atmosphère anxiogène où rêve et réalité s'entremêlent. On découvre le lavage de cerveau à coups de martèlement de concepts douteux. Et même s'il manque des précisions sur l'arrivée du personnage dans cette communauté, Martha Marcy May Marlene offre un décryptage intelligent des procédés aliénant utilisés par les sectes.

 

 

L'idée d'ancrer le récit à l'extérieur de la ferme a le mérite de souligner la déroute sans jamais sombrer dans la caricature. De dévoiler les stigmates du musellement de l'esprit une fois de retour dans le monde social. Le film ne tombe jamais dans la simplification vulgaire, au prix de ne pas tout expliciter et laisser le spectateur avec ses propres analyses. Si Elizabeth Olsen campe avec force une jeune femme à la dérive, John Hawkes (Patrick), à l'aura solide, est parfaitement terrifiant. Servant une mise en scène aussi efficace que raffinée, Sean Durkin évite la plupart des écueils des premiers films.

 

Résumé

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commentaires
Flo
21/12/2023 à 16:37

Le premier long-métrage de Sean Durkin adopte une réalisation non linéaire (un style qui permet de faire travailler le cerveau des spectateurs) pour raconter les deux temporalités parallèles d’une jeune femme.
D’abord coincée dans une secte, pseudo hippie, vraie masculiniste – filmée dans des couleurs chaudes et boisées, comme si on était dans les 70’s…
Et puis coincée dans le confort bourgeois fragile de sa sœur et son beauf.
Double huis-clos donc, choisissant de ne montrer ni l’avant (sinon dans le court-métrage « Mary Last Seen »), ni l’après qu’on imagine glacial. Ni même une option plus libératrice.
C’est aussi la révélation de Elizabeth Olsen, femme en quête d’identité (elle en a trop), plongée dans le trouble qui devient paranoïa et détresse.
Rôle de prédilection. Rôle fort.

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