Critique : Fleurs d'équinoxe

Nicolas Thys | 22 janvier 2014
Nicolas Thys | 22 janvier 2014

Lorsqu'il réalise Fleurs d'équinoxe en 1958, Ozu a déjà plus de 40 films derrière lui et c'est pourtant son premier en couleur. Etonnamment, si elle rend souvent les éléments plus vivants, pour lui elle restera associée à la fin de sa carrière. Le cinéaste s'en était toujours méfié, c'est suite au désir du studio qui l'employait qu'il a dû s'y mettre et le résultat est plutôt bon. Ceux qui connaissent Ozu retrouveront les grandes trames de son cinéma, avec cette fois peut-être une dose d'humour supplémentaire. Si le comique a déjà pointé son nez dans quelques films précédents comme Été précoce, il a rarement été aussi flagrant qu'ici. Ozu a l'habitude de scruter la société japonaise, ses codes et traditions, ses travers et ses remises en question via les relations entre les individus. Ici l'histoire se répète : il présente un conflit générationnel entre parents et enfants, entre traditions et progrès, et tout tourne autour de la questions du mariage : finies les unions arrangées dépassées, souffle ici un vent de liberté.

Si le film semble assez bavard, il met surtout la parole en scène. Celle-ci aussi est codifiée et varie selon les lieux, les liens entre les protagonistes, leur âge et leur situation sociale. Et c'est d'autant plus perceptible que la mise en scène d'Ozu est assez statique. On retrouve les grandes composantes plastiques et formelles du réalisateur : sa manière de filmer près du sol avec des personnages souvent assis et en position de dialogue, les regards caméra assumés, la grande profondeur de champ qui permet d'englober tout un espace et d'en saisir également les limites naturelles, les plans fixes cadrés au millimètre et qui ont ce paradoxe d'être clos sur eux-mêmes tout en donnant l'impression qu'ils laissent aux acteurs toute la liberté possible. Mais leurs intonations, leur voix, leur manière d'interagir en dit davantage sur leur rôle, leurs contradictions et leur personnalité que les mots eux-mêmes.

On est dans un film où les protagonistes vivent dans l'aisance, ce qui permet aux parents de penser d'abord à la famille, à sa perpétuation, au bonheur et au futur de leur prochain plutôt qu'au moment actuel et à la manière dont ils vont devoir l'affronter. Ce qui fait que quand les plus jeunes, ancrés dans l'instant et la vie quotidienne et pour qui l'avenir s'envisagent à partir d'un présent à construire, leur assènent des nouvelles auxquelles ils ne pouvaient pas s'attendre, les deux mondes s'opposent, s'affrontent et se bousculent. D'un point de vue cinématographique cela passe par un découpage fort où les personnages, dans un plan réuni, se retrouve ensuite seuls et isolés, où les uns debout et en position de force finissent par être dévorés par ceux pourtant plus bas avant que la donne s'inverse de manière plus joyeuse. Tout se joue dans l'espace du cadre comme si le réalisateur se faisait peintre, ce qui est d'autant plus flagrant quand il ajoute des couleurs aux décors et aux costumes.

Avec Fleurs d'équinoxe Ozu prouve une fois encore son savoir-faire et sa maîtrise d'un sujet en apparence banale. Mais surtout, il parvient à nous y intéresser alors même qu'on est à mille lieues des préoccupations des personnages et de l'univers qu'il décrit.

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