Critique : La Yuma

Manon Provost | 26 septembre 2010
Manon Provost | 26 septembre 2010

Epaules droites musclées, casquette vissée sur la tête et démarche assurée pour ne pas dire masculine, Yuma est une battante prête à tout pour gagner sa liberté  et s'extraire de l'inexorable destin auquel sont assujetties les femmes de son pays. Affublée d'un jogging pour mieux se fondre dans l'univers machiste qui l'entoure, ce sont les gants de boxe, d'ordinaire réservés aux hommes, qui lui permettent de refuser ce à quoi on la prédestine. Et si Yuma, l'indomptable, a préféré serrer les poings pour échapper à sa conditionde femme soumise et gagner sa liberté, d'autres ont le privilège de regagner chaque matin les bancs de l'université pour étudier. Tombé du bon côté de la barrière, Ernesto fait partie de ceux qui n'ont pas la nécessité de choisir entre la drogue, la violence et le vol pour survivre. Et alors que tout les oppose, Ernesto et Yuma vont se rencontrer, se découvrir et s'aimer, pour mieux s'éloigner. Inéluctablement, leur amour est rattrapé par les deux réalités antinomiques qui les caractérisent, celle des vivants et celle des survivants, qu'un préfixe suffit à dévorer.

Réalisatrice de nombreux documentaires sur le Nicaragua, Florence Jaugey fait renaître le septième art dans un pays qui, depuis 20 ans, n'avait plus jamais produit de matière filmique. A l'image de l'histoire qu'elle relate, Florence Jaugey a du batailler pendant dix ans pour actionner le premier tour de manivelle de La Yuma, sa première fiction. Nicaraguayenne de cœur depuis 20 ans et témoin d'une réalité empreinte de violence et d'adversité, la réalisatrice se fait l'écho raisonné et rayonnant d'une population emplie d'espoir et d'une foncière envie de vivre.  Face à sa caméra  les acteurs professionnels, et surtout les « vrais gens », imprègnent la pellicule de leur énergie vitale. De ce fait,  La Yuma devient plus qu'une simple fiction, c'est une multitude d'expériences de vie qui rattrape l'histoire, la nourrit et lui donne cette sensibilité si particulière, celle de l'authenticité. Et c'est sans une once d'hésitation, que l'actrice et danseuse Alma Blanco a troqué ses chaussons de danse pour des gants de boxe rugueux. Le regard noir et les sourcils froncés, elle incarne à elle seule, la fureur devivre et la soif de liberté de toute une communauté. Et si la fiction permet de « transgresser » la réalité, Florence Jaugey ne s'y trompe pas, elle cherche avant tout, à travers tous les possibles qu'offre la fiction, à faire état de l'essence même d'une population contrainte de vivre au jour le jour, sans pour autant se proclamer victime.

Fidèle à la communauté qui est dépeinte, La Yuma offre enfin aux Nicaraguayens la possibilité de pouvoir se retrouver face à eux-mêmes. Sujets et acteurs d'un film, ils existent aux yeux du reste du monde grâce à un regard sensible, devenu le symbole d'une reconnaissance. 

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