Critique : Joyeux Noël

Johan Beyney | 8 novembre 2005
Johan Beyney | 8 novembre 2005

1914. La guerre éclate et, encore une fois, ceux qui la font ne sont pas ceux qui la décident. À défaut de conviction, les soldats, pour se donner courage et volonté, doivent se réfugier derrière la ferveur patriotique et l'idée que celui d'en face est l'ennemi. Une entité abstraite et anonyme de corps à abattre, cachés derrière leurs uniformes et la boue des tranchées. Seulement, sous la boue et le sang, les hommes sont les mêmes. Frères de peur et de désillusion, ils ne sont finalement guidés que par un seul but : obéir docilement aux ordres en espérant que balles et obus les épargneront jusqu'à la fin. Mais qu'advient-il si la conviction que ceux de la tranchée d'en face méritent effectivement la mort s'écroule ? C'est ce que Christian Carion (Une hirondelle a fait le printemps) se propose de raconter en filmant cette histoire inspirée de faits réels : celle de la fraternisation de soldats ennemis au soir de Noël 1914.

Un rapprochement que l'on doit essentiellement à la musique. C'est le chant d'un ténor allemand et des cornemuses écossaises qui va pousser les soldats à sortir de leurs tranchées respectives pour se retrouver sur le no man's land, la voix d'une cantatrice danoise qui les unira dans la même émotion. Il y a quelque chose de particulièrement réjouissant et émouvant dans cette idée que la musique a réussi à couvrir, ne serait-ce qu'un soir, le bruit des canons. Une vraie vague d'espoir, certes naïve, déferle sur l'écran à la vue de ces « combattants » qui se mettent à échanger champagne et chocolat ou à se retrouver autour d'une partie de football. Comme quoi, on peut se battre pour le prestige d'une nation et se taper malgré tout sur l'épaule à la fin du match. On notera d'ailleurs avec amertume que dans cet élan fraternel, les français apparaissent comme les plus réticents et du coup, comme les plus suiveurs. Le dossier de presse nous apprend d'ailleurs qu'à l'époque, les journaux anglais ont publié des photos de cet épisode de la guerre quand l'armée française s'est contentée de les détruire…, une petite leçon d'humilité qui ne fait pas de mal.

Sur ce terrain devenu neutre non plus parce qu'il n'appartient à personne, mais précisément parce qu'il appartient désormais à tous, le réalisateur a réuni un casting européen de qualité. On trouve notamment côté français, Guillaume Canet dans un rôle enfin mature et Dany Boon à qui l'on ne saurait trop recommander d'arrêter sa carrière de comique pour se consacrer à une carrière d'acteur tant il sait se montrer touchant. Gary Lewis (My name is Joe, Billy Eliott) s'engage avec ferveur dans les tranchées écossaises tandis que Daniel Brühl (Goodbye Lénin !) gère avec une fragile détermination ses soldats allemands. Tous – avec Benno Fürmann et Diane Krüger qui assurent la love story pas nécessaire du film – campent leurs personnages avec sincérité et, c'est un point particulièrement plaisant, dans leur langue natale.

La force de l'histoire permet de compenser les quelques faiblesses du film, telles quelques facilités scénaristiques ou une mise en scène et une photo très (trop) sages. On peut également regretter que, bien décidé à ne pas gâcher la fête, Christian Carion ne se soit contenté que d'esquisser (bien que de manière assez fine) le point de vue de ceux qui ont décidé de ne pas participer aux festivités, ce qui aurait permis de donner à l'œuvre une dimension plus subtile. Malgré (ou peut-être grâce à) ces lacunes, Joyeux Noël est un joli conte qui laisse quelque espoir quant à la nature humaine. Rappelons également qu'avant d'envahir les cours d'histoire-géo de la métropole, ce film européen et humaniste sera en lice pour représenter la France aux Oscars. Alors joyeux Noël et bonne année 2006.

Résumé

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