Pompoko : critique au poil

Ilan Ferry | 6 avril 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Ilan Ferry | 6 avril 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Hommage au grand Isao Takahata, maître des studios Ghibli décédé ce 5 avril. Et retour sur quelques uns de ses plus grands films.

Réalisé en 1994 par Isao Takahata, co-fondateur du studio Ghibli à qui l'on devait déjà le superbe Tombeau des Lucioles, le film s'inscrit dans la lignée des ressorties des titres de gloire du célèbre studio par Disney, ce dernier ayant racheté leur catalogue pour une exploitation ciné dans nos contrées et en DVD aux États-Unis.

Pompoko raconte la lutte des tanukis, animaux mythiques aux vertus magiques faisant partie intégrante du folklore japonais, pour conserver leur territoire. Après une guerre fratricide qui voyait l'espèce, divisée en deux clans distincts (dont l'un judicieusement appelée l'armée rouge), se battre pour un bout de terre, les tanukis vont devoir s'unir pour faire face à l'urbanisation de plus en plus importante qui menace leur forêt et, par ricochet, l'avenir de leur race. Deux heures durant, le spectateur vibre au rythme de leurs multiples stratégies et des trésors d'ingéniosité qu'ils déploient pour arriver à leurs fins. D'entraînements intensifs où l'on apprendra l'art et la manière de réussir sa transformation en humain selon les tanukis, en saisons ponctuées de petites victoires et de grandes défaites (et réciproquement), c'est à un véritable voyage aux pays des merveilles où animaux et nature vivent en harmonie que Takahata nous convie.

 

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Comme toute fable qui se respecte, Pompoko cultive l'art de l'allégorie alternant aussi bien le comique de situation que les scènes d'une poésie somme toute très mélancolique. Ainsi, le film se scinde en deux parties. La première s'articule autour du combat mené par ces adorables créatures où deux conceptions bien distinctes, représentées par les personnages de Shokichi et Gonta, s'affrontent. À travers eux, c'est l'éternel opposition entre violence (Gonta) et spiritualité (Shokichi) qui est évoqué. Aussi drôle qu'émouvante, cette partie contient à elle seule tout le propos du film et émerveille au détour de quelques scènes d'une beauté époustouflante dont un mémorable défilé dans les rues, véritable morceau de bravoure du film. Cependant, le long métrage glisse progressivement vers un conte au propos plus grave où les rires laissent place aux larmes pour tendre finalement sur un terrible constat sur la société japonaise, de plus en plus repliée sur elle-même dans sa course au progrès, et où la seule issue semble être l'assimilation.

 

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À ce titre, il est évident que les problèmes rencontrés par les tanukis humains font clairement référence aux difficultés d'adaptations des campagnards venus travailler dans les grandes villes. Si l'oeuvre de Takahata possède bien des qualités, elle pêche cependant par un rythme parfois trop lent, en particulier dans sa deuxième partie où le réalisateur tire inutilement sur la corde. Ainsi, ses personnages tous très emblématiques et certaines de ses situations (au demeurant très fortes) suffisent amplement à traduire le propos et toucher le cœur des spectateurs. Le pari a beau être réussi sur ce plan, l'ensemble demeure toutefois trop long.

 

 

Résumé

Fable écologique, conte humaniste, Pompoko est cela et bien plus encore. En dépit de défauts purement rythmiques, le film émerveille et interroge de par ses multiples niveaux de lecture. Malgré un final d'une radicalité qui déroute autant qu'elle suscite la réflexion, le titre « Pompoko », qui correspond au son que produit le tanuki lorsqu'il joue du tambour sur son ventre rond comme signe de prospérité, nous rappelle qu'il reste malgré tout une lueur d'espoir. En cela, le film demeure fédérateur aussi bien auprès des grands que des petits.

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