Critique : Je ne suis pas là pour être aimé

Aurélie Mayembo | 10 octobre 2005
Aurélie Mayembo | 10 octobre 2005

À voir Patrick Chesnais, sur l'affiche de Je ne suis pas là pour être aimé, trôner sur un canapé la mine déconfite, on se dit qu'il y a du Bill Murray chez cet homme et du quinqua en crise dans ce film. Référence assumée ou pas, toujours est-il que Patrick Chesnais et sa distance pince sans rire constituent à eux seuls un formidable argument pour découvrir ce deuxième film de Stéphane Brizé, réalisateur du Bleu des villes. L'œil fatigué, l'air résigné, l'acteur incarne Jean-Claude Delsart, un huissier miné par l'ultra moderne solitude. Entre un père tyrannique qu'il visite tous les dimanches dans sa maison de retraite et un fils effacé qu'il connaît à peine et à qui il propose de prendre sa succession, Jean-Claude ne sait pas trop quoi dire.C'est d'ailleurs son problème, il ne dit finalement jamais ce qu'il pense, tait ses sentiments et préfère exécuter mécaniquement les actes du quotidien, y compris les évictions de locataires au petit matin…

En faisant le portrait par petites touches d'un homme démissionnaire qui opte pour le silence, Stéphane Brizé vise juste et offre un tableau sans concession des relations père-fils. Les scènes entre Georges Wilson (le père) et Patrick Chesnais sont, à ce titre, particulièrement intenses et douloureuses. Dans une veine plus comique, les scènes avec Cyril Couton (le fils) démontrent le même malaise : l'impossibilité de communiquer et d'entrer en contact avec les gens. D'où l'évolution du personnage principal qui, attiré par des leçons de tango qui ont lieu dans l'appartement en face de son étude, décide lui-même de prendre des cours. C'est dans ce cadre que Jean-Claude va croiser Fanfan (Françoise dans le civil), une jeune femme pleine de fraîcheur qui prépare son mariage.

Interprétée par la délicieuse Anne Consigny (entre aperçue dans 36, quai des Orfèvres), le personnage de Fanfan offre un pendant féminin aux problématiques de Jean-Claude, à savoir l'incapacité de dire les choses et la nécessité de faire des choix. Ce qui suit est plus convenu. Malheureusement, Stéphane Brizé n'exploite pas l'énorme potentiel érotique du tango. À contrario d'un film comme Shall we dance ?, où Richard Gere gére sa « crise de milieu de vie » en découvrant ce que signifie le corps à corps, avec J. Lo, Stéphane Brizé choisit la carte de la délicatesse. Si cela donne lieu à quelques belles scènes, l'ensemble manque toutefois de nerfs et on peut regretter un mise en scène un peu trop sage, à l'image de la bande-originale composée par des membres du Gotan project.

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