Critique : Outrage

Après une décennie passée loin d'eux, Takeshi Kitano revient à ses premières amours, les yakuza, à l'occasion de sa deuxième sélection en compétition officielle à Cannes.

Sur le fond, rien de très original : deux clans yakuza s'affrontent. Point barre. De poings (dans la gueule) et de barres (à mine), il va ensuite en être abondamment question. Beaucoup de coups, énormément de sang et des morts à la pelle, voilà le cocktail explosif de cet Outrage qui, durant 1h50, va jouer la carte de la surenchère. Et c'est d'ailleurs bien là la force et la faiblesse de ce nouveau long-métrage mafieux de Kitano. Le lent travelling d'ouverture sur une imposante série de Mercedes noires alignées et une armada d'hommes de mains tirés à quatre épingles (costards trois pièces noirs, rasés de près) permet certes d'identifier illico l'univers yakuza dans lequel va se dérouler l'intrigue (le seul flic de l'histoire en croque) mais celle-ci aurait tout aussi bien pu se dérouler dans un autre pays et avec d'autres codes mafieux, cela n'aurait pas vraiment changé grand chose au résultat.

Le décalage entre le légendaire stoïcisme nippon et les milles et uns supplices subis constitue dès lors la (seule ?) raison d'être du film. Chacun ayant pour ambition de devenir calife à la place du calife, tous y passeront les uns après les autres, excluant ainsi toute forme d'empathie pour quiconque. Très vite, Outrage prend des allures de plaisir coupable où le jeu consiste alors, à chaque nouvelle séquence de « règlement de comptes à Tokyo Corral », à deviner à quel funeste sort les malheureuses victimes vont être voués, le moindre élément du décor pouvant devenir la plus mortelle des armes entre des mains expertes et la mise en scène très sûre du cinéaste. Mais pour son grand retour au film de yakuza, on attendait toutefois bien plus de la part de Kitano que ce gigantesque jeu de massacre, certes hautement jouissif mais dépourvu d'âme et qui mise tout sur la surenchère graphique.