Dans ses yeux : critique plein les yeux
Avec son premier long-métrage intitulé Dans ses yeux, Juan José Campanella a su se montrer digne de ses compatriotes, les susdits et quelques autres, en proposant un storytelling élégant et subtil permettant d'entrer de plein fouet dans le polar sans pour autant sacrifier l'essence des personnages et de leurs relations.
OSCAR POUR RICARDO
Que ce soit dit une fois pour toutes : Ricardo Darín est l'un des plus fabuleux interprètes de ce siècle. Chez le regretté Fabian Bielinsky, chez la talentueuse Lucia Puenzo ou ailleurs, l'acteur argentin irradie systématiquement par sa gravité, et la beauté bleutée et lumineuse de son regard. Grand parmi les grands, Darin mérite une vraie reconnaissance qu'il obtiendra peut-être avec ce Dans ses yeux célébré un peu partout, de la dernière cérémonie des Oscars - où il mit tout le monde d'accord, y compris Le ruban blanc et Un prophète - au récent festival de Beaune - c'est moins prestigieux, certes, mais ça compte.
Dans ses yeux raconte le travail d'écriture d'un ancien enquêteur tentant de devenir romancier, et qui décide de s'appuyer sur une affaire sordide survenue un quart de siècle plus tôt pour bâtir son ouvrage. Construit sur deux époques, le film revient très régulièrement en arrière pour tenter de comprendre les rouages de l'investigation passée et sa résonance sur l'existence actuelle de quelques-uns des protagonistes. C'est dans cet équilibre que réside la force de Juan José Campanella et du film : parvenir à préserver l'unité d'un long-métrage tout en y mêlant à la fois l'atmosphère extrêmement glauque de ce dossier criminel et un vent romanesque et exaltant qui émane des principaux personnages.
L'affiche est en effet claire sur ce point : Dans ses yeux est aussi, et peut-être surtout, le récit d'une histoire d'amour, dont l'intérêt principal... est qu'elle n'a jamais eu lieu. Cet homme et cette femme se retrouvent après s'être longtemps côtoyés au quotidien, le courant qui passe entre les deux personnages est évident, et pourtant rien n'est dit, rien n'est fait, juste une relation cordiale et enjouée entre deux collègues - ou anciens collègues, selon l'époque.
MEMORIES OF BUENOS AIRES
On passe ainsi, et sans jamais s'en offusquer, du cadavre salement amoché d'une femme ayant dû être belle à une conversation de bureau entre un couple en puissance, ému comme lors d'une première rencontre ; de la description des affres de la création du héros à sa relation quasi burlesque avec son partenaire de travail. Car Dans ses yeux réussit aussi le pari d'être hilarant à ses heures, s'affirmant ainsi comme un cousin pas si éloigné du Memories of murder de Bong Joon-ho : éloge amusée de l'incompétence et élégie de la noirceur s'y juxtaposent sans arrêt.
L'argument est digne d'un mauvais magazine télé, mais le film de Juan José Campanella passe vite, très vite, ses deux heures filant à toute allure tant chaque séquence est transcendée par la composition et le ton général. Il y a cette belle idée du temps dilaté par le sentiment amoureux et par la déprime qui guette le fonctionnaire tapi dans l'ombre et l'auteur en attente d'inspiration.
Lecteurs
(5.0)23/08/2018 à 08:38
De "Les neuf reines", au scénario machiavélique, à "Everydody knows", en passant par le vénéneux "Carancho", sans oublier "Elefante blanco", le caustique "Les nouveaux sauvages", "Dans ses yeux" (œuf corse !) et surtout le délicat et bouleversant "Truman" (que je recommande vivement !), Ricardo Darin brille de mille feux de par sa présence charismatique, son jeu inspiré et son regard intense et pénétrant... Il est un des plus grands !
22/08/2018 à 21:06
Gros coup de coeur et Darin mon acteur préféré sud américain, Aux yeux de tous est le remake us.
22/08/2018 à 20:58
Qu’est-ce que j’aime ce film !!