Critique : Les Contes de l'âge d'or
« Le bilan des pays communistes est globalement positif », affirme Georges Marchais sur la gigantesque accroche de l'affiche de Contes de l'âge d'or. La phrase est suffisamment comique pour se passer de commentaires ; il en est exactement de même pour ce film collectif mené par le roumain Cristian Mungiu - palmé pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours - et co-réalisé avec quatre de ses compatriotes. Un film à sketches tournant autour d'une simple idée : celle de tourner en dérision le régime de Ceaucescu à travers quatre histoires pas fondamentalement politiques mais d'une unité comique proprement irrésistible. D'autant que le film, au-delà de la satire, ne prétend pas énoncer de vérités particulières au sujet de ce régime. Il s'agit juste de se marrer un bon coup en évoquant une époque pas si révolue.
Le premier des quatre segments, La légende de la visite officielle,
est peut-être le plus savoureux. On y suit de près les gesticulations
nerveuses des habitants d'un petit village roumain travaillant
d'arrache-pied pour préparer la visite imminente des dirigeants du
Parti. Le moindre détail doit être réglé, chaque étape de la visite est
peaufinée... mais l'irruption d'une équipe d'inspection fait tout
partir à vau-l'eau dans un déferlement burlesque, aux frontières de
l'absurde. Le deuxième, La légende de l'activiste zélé
montre un jeune activiste du Parti débarquer dans un village en
prétendant y régler les problèmes d'illettrisme. Convoquant
l'intégralité des habitants illettrés, il prodigue rapidement un savoir
qui pourrait se retourner contre lui. Dans le troisième, La légende du policier avide,
une famille se voit offrir un cochon vivant mais cherche en vain la
solution pour le tuer en silence, sans quoi les voisins affamés
pourraient rappliquer. Enfin, dans l'excellent dernier segment, La légende du photographe officiel,
les employés d'un quotidien roumains font du montage photographique
pour donner la meilleur image possible de Ceaucescu. pratique qui leur
vaudra quelques infortunes...
Si les films d'ouverture et de clôture semblent légèrement supérieurs, Contes de l'âge d'or
se distingue par une relative homogénéité due sans doute au petit
nombre de sketches. Cela suffisait de toute façon pour régler son
compte à un Régime autoritaire, pratiquant la censure et ne cessant,
malgré de bonnes intentions, d'accentuer les inégalités. L'esprit
évolue quelque part entre les comédiens italiennes à sketches des
années 60 et la satire rigolarde d'un Corneliu Porumboiu (12h08 à l'est de Bucarest),
une mise en scène moderne en bonus. Car c'est là la vraie surprise du
projet : tout, des films aux intermèdes, prend consciencieusement ses
distances vis-à-vis du cinéma roumain, habituellement acide mais moche.
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